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Numéro 30 WEB
Les conditions du lisible 8 : L’être et le devenir
photo d’Alexandre Chemla
Par Marc’O |

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Un petit glissement, tant que j’y suis encore (en plein tournant qui me donne le tournis), pour faire passer ma réflexion du côté de la philosophie avant de reprendre une courte ligne droite, le temps de renégocier un nouveau virage. « Hé bien, ne voilà-t-il pas qu’à cet instant précis, l’idée me traverse que Prigogine a répondu à Hawkins, qui proclame que « l’univers est », « Non l’univers n’est pas, l’univers devient ».

Grand moment pour l’histoire, pas seulement pour les sciences, la philosophie, mais surtout pour le devenir humain, car c’est bien cette perspective que vise l’assertion de Prigogine l’univers devient.

Très explicitement, d’une part, il pointe l’erreur de Hawkins en lui rétorquant que l’univers n’est pas, du fait que l’univers devient, mais surtout, il relève la méprise qui va s’installer immédiatement dans les différents terrains des connaissances et des relations humaines.

Diantre ! Federica fait la moue.

En même temps, je te signale Federica que ce que je te dis là, présentement, n’exprime pas une certitude, surtout pas celle de Prigogine qui a écrit par ailleurs un livre intitulé « La fin des certitudes ». Ce que voudrais te préciser, en la circonstance, ce sont les raisons (disons, les probabilités) qui m’amènent à ce thème des certitudes.

Nota bene. Federica est pinailleuse, c’est pourquoi, je la renvoie
à la lecture d’un petit opuscule de Ilya Prigogine Temps à devenir
(à propos de l’histoire du temps)
dans lequel il expose ses convictions sur le sujet.

Quant à moi, encore une précision, mon intervention avec ce texte/parole, n’a pas l’ambition d’apporter des explication touchant au devenir et à l’être sur le terrain philosophique et scientifique, les deux contextes dans lequel Prigogine développe ses thèses, d’autant que j’adhère complètement à l’idée que l’univers est plus pertinemment défini à partir du devenir (ce qu’une chose et moi-même pensant cette chose sont en train de devenir) qu’à travers un concept qui notifierait ce que la chose est. Je me propose, surtout, de faire un petit détour, pour visiter, au passage, les prés carrés de la linguistique afin de percevoir de quelle manière les modes expressifs exécutent une pensée.

Nota Bene. Le terme manière est saisi, ici, dans le sens maniériste, maniera,
du terme, qui veut dire style. Le mot exécuter, lui, doit être perçu sur deux plans,
musical (exécuter ou improvisé une œuvre musicale) et militaire
(exécuter un ordre, les affaires courantes, exécuter un homme, les basses œuvres).

Ce terrain un peu déblayé, revenons au moi, je suis très fortement enclin, comme tu as pu t’en apercevoir, Federica, à considérer le vocable être à partir du cogito ergo sum, (je pense donc je suis). Dans cette contexture, être engendre des points de vue très différents, en français tout au moins, selon que l’on se référera au substantif ou au verbe. Mais ce n’est pas là, à proprement parler, le sujet de mon intervention sur le WEB.

Alors. Passons ! Passons !

J’en resterais donc à l’apposition être/devenir dans l’aphorisme de Descartes « je pense donc je suis », me bornant à distinguer deux cas de figure.

Dans la première, le « je suis » s’entend comme un attribut du « je pense », nous nous trouvons devant une proposition qui indique un état des choses : un choix entre « l’univers est » et « l’univers n’est pas ». Par contre, si le « je pense » est compris (du verbe comprendre, pas de l’adjectif assimilé) comme l’activité de penser, le « je suis » devra être considéré comme le mouvement de la pensée pour donner, ou pas, un devenir à ce que j’énonce. C’est cette allégation que Prigogine avance quand il dit : « L’univers n’est pas, l’univers devient ».

Nota bene. Dans la vie courante, c’est un exemple,
la deuxième option dicte souvent ma conduite.
C’est pourquoi, j’évite de me poser la question : Qui suis-je ?
Les choses étant ce qu’elles sont, je préfère me demander
ce que je suis devenu, pour m’interroger ensuite
sur le devenir que je peux espérer.

Le fait de m’en remettre au « devenir » fait émerger une condition initiale qui me permet de remettre au premier plan les problématiques métalinguistiques touchant aux usages expressifs, en particulier, les narrations par l’écrit, qu’il s’agisse des descriptions de situations ou de personnages, de fictions ou de relations imaginables et imaginaires, que cela, encore, concernent les idées en générales ou les particularités notables. Cette recherche de conditions initiales vaut pour toutes les scènes (musique, danse, théâtre, cinéma) où le devenir s’avère l’objectif commun de destinateurs et de destinataires.

Nota Bene. ...nous rencontrer, les uns et les autres sur les scènes,
toutes les scènes de la vie, sociale, culturelle, politique et partout ailleurs,
nous retrouver, acteurs de la scène et de la salle pour visiter ensemble
ces endroits et envers où nous pourrons inventer une auto-pédagogie
qui nous apprendra comment co-construire
un devenir « à faire pour tous et par tous ».
Décidément, nous en revenons toujours à Lautréamont.

Ah mamma mia, si les politiques pouvaient savoir ça,
quelles belles pages poétiques nous pourrions écrire en commun.

Lire la suite : De l’embrouille à la débrouille