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Numéro 30 WEB
Les conditions du lisible 7 : La fin des certitudes ? J’en doute
photo d’Alexandre Chemla
Par Marc’O |

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Vous pouvez toujours rétorquer que je commets une erreur, le mot impossible n’est pas français.

J’aimerais bien qu’une jeune fille me fasse cette remarque, je lui répondrais, alors, avec beaucoup de bienveillance : bon d’accord mademoiselle, j’admets, en bon patriote que je suis, que le mot impossible ne soit pas français, mais l’erreur, elle, est humaine, et les Français sont bien des humains, que je sache. Et, galant comme je me connais, j’ajouterai : « pour vous être tout à fait agréable, j’accepte de substituer l’expression « vérité impossible » par « vérité indicible » et de remplacer erreur par méprise.

Mais l’idée de méprise, surtout en plein virage périlleux, n’est guère saisissable. Les choses arrivant quand elles arrivent, il me semble préférable de les saisir « en plein mouvement » pour donner un peu de substance, de réalité à ce mot de méprise qui en dit plus long qu’il ne laisse croire. Je me contenterai, dans ce texte, de rapporter à la jolie jeune fille de mes rêves, cette anecdote tirée d’un livre d’Albert Camus.

« Un homme souffre et subit malheurs sur malheurs.
Il les supporte, s’installe dans son destin. On l’estime.
Et puis un soir, rien : il rencontre un ami qu’il a beaucoup aimé.
Celui-ci parle distraitement. En sortant, l’homme se tue.
On parle ensuite de chagrin intime et de drame secret. Non.
Et s’il faut absolument une cause, il s’est tué parce qu’un ami
lui a parlé distraitement » (Albert Camus, L’envers et l’endroit ).

En dehors de l’émotion que je peux avoir en lisant ces lignes, une pensée - une attraction étrange - me pousse à faire la distinction entre erreur et méprise. L’erreur, dans le texte de Camus c’est l’ami qui la commet en répondant distraitement à l’homme souffrant. La méprise tient au « on » l’entourage du suicidé : « On parle de chagrin intime et de drame secret ». Mon sentiment, en cela, est que l’erreur est toujours involontaire, autrement nous nous trouverions devant un mensonge ou de la tromperie. C’est dans le cadre d’une relation, qu’une méprise se produit. Peu importe la nature de la discussion, que ce soit entre des individus de bonne compagnie ou des ennemis irréductibles, dans le cadre d’un entretien ou d’une dispute, d’un échange d’idées dont on ne sait jamais à qui elles appartiennent ou entre un auteur (un destinateur) et le lecteur(le destinataire), qui en répond, ou n’en répond pas. La non-réponse est bien entendu une réponse : une méprise ou pas.

En cela, la méprise se rapproche plus de l’idée d’équivoque, d’un quiproquo,
alors que le mot erreur parle du fourvoiement du sujet.

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