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Numéro 24 WEB
Extrait (André Gorz, Misères du présent, richesse du possible)
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Ce qu’il appelle (Jérémy Rifkin) "la fin du travail" annonce la fin de ce que tout le monde a pris l’habitude d’appeler "travail". Il ne s’agit pas du travail au sens anthropologique ou au sens philosophique. Il ne s’agit pas du travail de la parturiente, ni de celui du sculpteur ou du poète. Il ne s’agit pas du travail comme "activité autonome de transformation de la matière", ni du travail comme "activité pratico-sensorielle" par laquelle le sujet s’extériorise en produisant un objet qui est son œuvre. Il s’agit sans équivoque du "travail" spécifique propre au capitalisme industriel. (...)
Le "travail" qu’on a ou n’a pas peut n’avoir aucune des caractéristiques du travail au sens anthropologique ou au sens philosophique. De fait, il est le plus souvent dépourvu aujourd’hui de ce qui le définissait chez Hegel : il n’est pas l’extériorisation (Entäusserung) par laquelle un sujet se réalise en s’inscrivant dans la matérialité objective de ce qu’il crée ou produit. Les millions d’employés ou de techniciens "travaillant" sur écran de visualisation ne "réalisent" rien de tangible. Leur activité pratico-sensorielle est réduite à une pauvreté extrême, leur corps, leur sensibilité mis entre parenthèses. Leur "travail" n’est en rien une "mise en forme appropriative du monde objectif", bien qu’il puisse avoir une mise en forme pour effet médiat très lointain. (André Gorz, Misères du présent, richesse du possible)