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Numéro 24 WEB
Extrait (André Gorz, L’immatériel)
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La grande majorité connaît de plus en plus de choses mais en sait et en comprend de moins en moins. Des fragments de connaissances spécialisées sont appris par des spécialistes qui en ignorent le contexte, la portée et le sens et, surtout, "la combinatoire indépendante qui oriente la technique". Les évidences communes, les savoirs intuitifs, sont disqualifiés par une foule de "connaisseurs" professionnels qui revendiquent le monopole de la connaissance vraie. Ivan Illich appelait "professions incapacitantes" ces professions qui scellent l’incapacité des individus à se prendre en charge dans un monde incompréhensible.
La technoscience a produit un monde qui dépasse, contrarie, viole le corps humain par les conduites qu’il en exige, par l’accélération et l’intensification des réactions qu’il sollicite. La contradiction entre les savoirs et les besoins corporels, d’une part, et les "besoins" de la mégamachine technico-économique, d’autre part, est devenue pathogène. Le corps humain, écrit Finn Bowring, « est devenu un obstacle à la reproduction des machines". Selon la description naïve de Georges Dyson, les humains sont devenus des "goulots d’étranglement" pour la circulation et le traitement des informations et des connaissances : "nous ne pouvons en absorber qu’une quantité limitée et en produisons même moins, du point de vue des machines" ».