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Numéro 23 WEB
Effondrement des ecosystemes, pollutions, sante humaine et animale
photos de Andrea Paracchini

Sommaire->Un autre Grenelle de l’environnement : diagnostic planétaire.

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Yovan Gilles : Ce second volet a un intitulé tripartite : écosystèmes, pollutions , santé humaine et animale. Jean-Luc, vous allez explorer pour nous les différentes problématiques attenantes à ce second volet, avec la faconde et la rigueur que nous vous connaissons.

Jean-Luc Ménard : Eh bien je vous remercie. Effectivement, en quoi la dégradation des écosystèmes influence-t-elle la santé humaine ? C’est surtout cela que nous verrons, et puis on donnera également un exemple du service que peu rendre un écosystème, en l’occurrence les micro-organismes marins, qui sont chargés par la nature d’absorber les concentrations de gaz carbonique dans l’atmosphère.

Caractérisation des écosystèmes dégradés, parasites et pandémies

Pour ce qui concerne les écosystèmes, une définition d’abord : ce sont des milieux où il y a toujours trois sortes d’organismes vivants. Les producteurs : par exemple les plantes ; les consommateurs :comme les animaux ou les humains ; les décomposeurs, telles les bactéries, ou les champignons microscopiques, plus communément appelés "moisissures" (et il y a environ 1 million et demi de variétés de moisissures). Ces écosystèmes, ces milieux, où se trouvent ces organismes vivants, sont très variés, dans l’espace et dans la dimension. Cela peut-être un désert, une haie, une marre, un lac, un estuaire, etc.
Ces écosystèmes servent surtout à réguler les cycles bio-géo-chimiques : l’azote, le souffre, le phosphore, etc... Ils contribuent également à la fertilité des sols, notamment par la présence de l’humus et des micro-organismes, et puis aussi, entre autres, au renouvellement de l’eau.

Nous n’aborderons pas tous ces points : je renvoie pour une appréhension planétaire de tout cela, à l’excellent rapport fait sous l’égide de l’O.N.U, rendu public en mars 2005. 1 340 scientifiques de 91 pays différents se sont rendus sur 33 sites planétaires et ont analysé l’état des sites en questions. Quelques exemples : ce pouvait être un pays entier comme le Portugal, un bassin lacustre comme le lac Laguna aux Philippines, un parc naturel en Arabie Saoudite, ou encore l’état de l’eau dans une mégalopole comme Sao Paolo, etc...
Ce que l’on va voir plus particulièrement, issu de ce rapport, mais provenant d’autres sources aussi, ce sont les influences des dégradations des écosystèmes sur la santé humaine, puisque selon le rapport précité, 60 % des écosystèmes sont dégradés, et leur effondrement total est prévu pour 2050.

Pour commencer, on peut dire qu’il y a, en gros, trois stades :
- Un premier dû au mode de vie humain.
- Un second dû à l’influence du réchauffement global.
- Un troisième dû à l’action des pops (polluants organiques persistants) voir l’article [1] dans les organismes humains.
Tout au long de ces trois volets, on va beaucoup parler d’anophèle, de culex et d’aedes. Ce sont des variétés de moustiques, qui transmettent pas mal de virus. Et, souvent, plus ils sont virulents, plus cela signifie que les écosystèmes sont dégradés. En revanche, avec des écosystèmes en bon état, il n’y a pas de virulence particulière, on va en voir quelques exemples.

Le premier stade est surtout axé sur l’état des eaux. En effet, les systèmes aquatiques sont tout à fait importants pour le développement ou la résorption de ces anophèles, culex ou aedes et, par exemple, sur la planète en général, le mauvais état des eaux, tant marines que dulcicoles, dû notamment aux engrais...

Yovan Gilles : Dulcicoles, c’est-à-dire ?

Jean-Luc Ménard : ... c’est-à-dire les eaux douces... dû notamment aux engrais, plus particulièrement les engrais azotés, qui sont très présents dans tous les systèmes aquatiques de la planète, puisque les engrais sont utilisés absolument partout, massivement souvent, trop souvent.
Quand on dit "engrais dans les eaux", cela signifie prolifération d’algues, et quand les algues se décomposent, cela provoque une diminution de l’oxygène, et quand l’oxygène diminue, les poissons disparaissent. Et parmi ces poissons, il y a les prédateurs des parasites en question. Et donc, un premier point : c’est que plus le mauvais état des eaux se répand sur la planète, moins il y a de prédateurs naturels aquatiques des culex, anophèles, aedes. Alors, pour citer des poissons, certes peu connus, mais très friands de ces insectes et de leurs larves aussi : les tilapias, gambusies... qui disparaissent du fait de ce mauvais état des eaux, et, avec eux ,des prédateurs naturels en moins.

Deuxième point ,à ce premier stade : le rapport pour les évaluations des écosystèmes de l’ONU, auquel j’ai fait allusion, évoque l’étalement urbain exponentiel, et notamment il pointe les équipements touristiques. Effectivement, au sein de l’étalement urbain exubérant, il y a de plus en plus d’équipements touristiques. En effet, pour construire des hôtels, mettre à disposition des restaurants, également des aérodromes, des aéroports ,et puis aussi des centrales pour fournir l’électricité, etc..., il faut détruire des couverts arborés. Et donc, accroissement de l’ érosion, et lorsqu’il y a pluie, notamment des pluies diluviennes, et on verra qu’avec le réchauffement climatique les pluies sont souvent diluviennes, tout cela crée des poches d’eaux résiduelles, et par conséquent autant de gîtes larvaires pour les sympathiques culex, aedes...

Yovan Gilles : On subit en Europe des remontées de moustiques originaires de l’hémisphère sud...

Jean-Luc Ménard : Tout à fait. Alors justement à ce propos, il y a également dans ce phénomène d’étalement urbain, souvent avec des équipements qui ne sont pas vitaux, un parasite particulier qui s’appelle culex albopictus qui, lui, transmet l’encéphalite dite "Japonaise", mais il y a bien longtemps que c’est sorti...

Yovan Gilles : L’encéphalite Japonaise ?

Jean-Luc Ménard : C’est-à-dire tout ce qui est méningite, etc...

Yovan Gilles : C’est vraiment le cerveau en compote.

Jean-Luc Ménard : C’est costaud. Comment ce culex albopictus est-il sorti de son aire Japonaise ? Eh bien, par le réseau des piscines privées, c’est-à-dire des piscines de particuliers qui, pour lui, constituent autant de gîtes larvaires bienvenus, et de ce fait, il progresse dans tout l’ouest du sud-est asiatique. Et cela pourrait peut-être donner des idées à son cousin aedes albopictus qui, lui, transmet le chikungunya.

Yovan Gilles : Le fameux Chikungunya qui donne le teint vert laiteux ?

Jean-Luc Ménard : Le fameux. Qui s’est installé en Italie, et également dans le sud-est de la France. Or, dans le sud-est de la France, il y a un dense réseau de piscines privées, et peut-être qu’aedes albopictus va quitter ses actuels gîtes larvaires, en l’occurrence les vieux pneus d’occasion dans lesquels se forment des poches d’eau propices à sa reproduction.
Alors tout cela amène à une considération plus générale, relevée d’ailleurs par ce rapport de l’ONU, c’est-à-dire que lorsqu’il y a bouleversement d’un écosystème, ou de plusieurs, les virus, eux, sont tentés de muter, tout simplement pour sauver leurs peaux. Parce qu’ils sont dans des écosystèmes bouleversés par des activités humaines, souvent non vitales, ils ne vont pas survivre dans ces écosystèmes-là, donc ils mutent. C’est le cas par exemple du virus Hanta qui était en Amérique du Sud guère très virulent : il s’est retrouvé dans l’ouest des Etats-Unis, mais alors-là, dans une version mutée. Il n’y a ni traitement efficace, ni vaccin, pour ce virus Hanta, qui fait 300/400 morts par an, là-bas, suite au bouleversement de ces écosystèmes d’origine.

Le mauvais état des eaux, l’étalement d’une urbanisation exponentielle : et puis l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans son rapport annuel d’août 2007, a pointé pour la énième fois les déplacements humains incessants. Dus aux activités professionnelles, au commerce international, au tourisme, l’OMS met en garde parce que les systèmes immunitaires humains ne peuvent contrôler simultanément autant de virus, de parasites et de bactéries, eux aussi se déplaçant énormément. Le genre humain s’expose à des pandémies majeures pour lesquelles il n’existe pas, à l’exemple du virus Hanta , de parades médicales.

Yovan Gilles : Pour le moment, il s’agit de pandémies restreintes...

Réchauffement et recrudescence virale


Jean-Luc Ménard : Oui, pour l’instant, mais les facteurs de pandémies majeures seront de plus en plus favorisés par les comportements humains irresponsables. D’autant que l’influence du réchauffement global aggrave la situation : c’est le deuxième stade. On peut citer 4 phénomènes généraux qui influencent directement l’exubérance des virus, parasites et bactéries :

- Les gaz à effet de serre réchauffent encore plus pendant la nuit que pendant le jour. En effet, les rafraîchissements nocturnes sur toute la planète sont conditionnés par la teneur en vapeur d’eau dans l’atmosphère : lorsqu’il y a beaucoup de vapeur d’eau, comme c’est le cas, eh bien il y a moins de refroidissement durant la nuit, et les parasites succombent moins à la fraîcheur nocturne. À titre d’exemple : une anophèle, (en général ce sont les femelles qui transmettent tout cela), porteuse de malaria, est en train de s’acclimater actuellement dans la région de Moscou, ainsi que dans certaines zones de Sibérie : c’est dire si le réchauffement climatique influe sur l’aire d’extension de ces charmantes petites bêtes.

- Deuxième influence du réchauffement global : plus les températures sont élevées, plus les quantités et les intensités des doses infectantes le sont aussi ; elles augmentent parallèlement à la température, et donc la virulence augmente également lorsqu’il y a transmission de ces doses infectantes.

- Troisième influence du réchauffement global : il y a des prédateurs naturels supplémentaires qui disparaissent. L’exemple le plus universel, ce sont les batraciens. Ils sont en chute libre partout, sous toutes les latitudes, alors qu’ils sont pourtant très utiles, parce que très gourmands d’anophèles, de culex, d’aedes, et de leurs larves aussi, et très efficaces pour entraver la prolifération de ces insectes. Une variété de batraciens sur trois est actuellement en voie de disparition. C’est le cas aussi des oiseaux migrateurs, parce qu’ils ne sont pas encore adaptés au réchauffement global :ils reviennent souvent de leurs migrations environ quinze jours après le pic des naissances dans les gîtes larvaires, des anophèles, culex et aedes. Donc, ils ratent le festin, et les populations de parasites sont plus importantes sans cette prédation qu’ils exerçaient auparavant. On peut ajouter qu’une espèce d’ oiseau sur huit est en voie de disparition.

- Quatrième influence du réchauffement global sur cette réalité planétaire et sanitaire, c’est l’augmentation des pluies diluviennes due au réchauffement global.
D’une part, davantage de vapeur d’eau dépose davantage de sa chaleur latente dans les nuages, d’autre part il y a une température plus élevée des eaux de surface des mers et des océans, et donc des puissances venteuses plus importantes. Et lorsqu’il y a des pluies, elles sont fréquemment diluviennes. Pas seulement dans les zones tropicales, mais également dans les zones tempérées : on en a souvent l’illustration en Europe même. Ces pluies provoquent, à leur tour, des inondations, puisque, comme on l’a vu tout à l’heure, l’urbanisation fait disparaître de nombreux couverts arborés : il n’y a plus alors les systèmes racinaires, mousses etc..., pour les réguler. Autant de poches d’eaux résiduelles se transformant en gîtes larvaires pour anophèles, culex et aedes...

Yovan Gilles : Alors justement, une petite parenthèse : une collaboratrice de la revue a publié un petit travail photographique, un article notamment qui fait état des maladies attaquant certains chênes, notamment le chêne Cécile sur le plateau de Langres, dues au réchauffement climatique et aux coupes sombres opérées par la tempête de 1999, qui fait qu’il y a eu des plateaux forestiers entiers qui ont été dénudés. Cela crée une sorte de micro-micro climat sur ces parcelles dénudées qui a des effets de perturbation sur la santé des arbres, s’ajoutant à celles du réchauffement et à celles aussi d’un certain nombre de besoins en eau qui ne sont plus satisfaits comme auparavant. Je crois que c’est 300 litres par jour pour un chêne Cécile, en pleine maturité. On a une gangrène des forêts, des arbres, qui n’est pas simplement liée à la pollution atmosphérique, qui est liée aussi à la tangibilité de ce réchauffement climatique, qui gagne de plus en plus du sud vers le nord.

Jean-Luc Ménard : Et donc l’installation, comme vous le dîtes, de nouveaux écosystèmes, finalement, sur ces coupes sombres.


Yovan Gilles : Tout à fait, oui. Notamment, en l’occurrence, la conséquence à long terme de la déforestation, c’est qu’on aura plus de chênes de 150 à 180 ans, et ce seront des chênes dont la durée de vie sera beaucoup plus précaire, et qui seront considérés comme ayant atteint leur maturité, pour les besoins accrus de l’exploitation forestière, dès l’âge de 50 ans.

Jean-Luc Ménard : Et qui donc, quand ils seront abattus, rejetteront tout le co2 qu’ils ont stockés. C’est-à-dire qu’au lieu de stocker pendant 150 ou 180 ans, ils ne stockeront que pendant 50 ans.

Yovan Gilles : Et en plus, petite parenthèse Jean-Luc, comme ces chênes sont impropres pour une parquetterie noble, ils sont vendus à bas prix à nos amis Chinois qui les rachètent pour en faire de la parquetterie de moindre qualité, qu’ils revendent ensuite aux Européens. Les forêts de Langres, qui sont exploités par des forestiers Français, partent en Chine, pour revenir en France sous forme de parquets.

Jean-Luc Ménard : Et encore des acheminements qui ne se font qu’avec des énergies fossiles et qui ne font qu’accroître les émissions de gaz à effets de serre.

Yovan Gilles : Tout à fait, vive la Chine !

Pullulement de pathologies exotiques : l’immunologie des humains chahutée

Jean-Luc Ménard : Voilà. Très bien. Le troisième stade pour l’influence de ces parasites, c’est bien sûr la rencontre entre anophèles, culex et aedes, et les virus dont ils sont porteurs qui sont en pleine forme, avec les organismes humains qui, eux, sont quelque peu démunis par des pops, c’est-à-dire les polluants organismes persistants : 20 à 30 par individu, qui s’accumulent dans les graisses.
Deux principes généraux : ces molécules, qui sont de diverse nature, produisent des effets imuno-dépréssifs ou immuno-suppressifs parce qu’elles sont présentes ensemble dans les organismes humains : elles font alors perdre aux systèmes immunitaires humains leurs capacités à détecter les virus, bactéries, parasites qui sont entrés dans les organismes.

Yovan Gilles : Ce sont des polluants très subliminaux, propres, ça n’a rien à voir avec ce qu’on entend par polluants, les produits qui dégradent, qui souillent l’environnement : ce sont des doses infinitésimales très malignes.

Jean-Luc Ménard : Exactement. Et de leur côté, les bactéries, virus, parasites, eux, sont dotés de mécanismes naturels détoxifiants, qui font qu’ils ne sont pas du tout gênés par les pops dans les organismes humains qu’ils ont pénétrés. Deux exemples particuliers : les immuno-globulines, dont font partie les anticorps entre autres, eh bien ces immuno-globulines, perturbées par ces polluants-organiques persistants, prennent les bactéries, parasites et virus pour une partie d’elles-mêmes, et du coup, elles ne les combattent pas.

Un deuxième exemple, entre beaucoup d’autres, un parasite qui s’appelle shistosome, qui pond des oeufs que l’organisme humain, du fait de la présence de ces molécules faisant diminuer ses capacités immunitaires, n’élimine plus, et ils se dirigent tranquillement vers le foie où ils vont perturber le système hépatique, notamment l’élimination de l’azote dans l’urée par exemple, etc...

Donc, au total, on est parti d’un premier stade où, à force d’urbanisation exponentielle, de mauvais état des eaux, des parasites, bactéries et virus déjà vigoureux, deviennent encore plus efficace avec le réchauffement global, comme on l’a vu, et ils attaquent des organismes humains qui ont des capacités immunitaires affaiblis. D’où l’importance d’écosystèmes qui soient en bonne santé et qui soient, surtout, toujours existants.

Yovan Gilles : Jean-Luc, avant d’aborder les solutions concernant justement ces pandémies, solutions à l’échelle planétaire, on pourrait revenir sur quelques exemples de contaminations que vous vouliez nous donner.

Jean-Luc Ménard : Par exemple, culex albopictus : il y a longtemps qu’il a quitté l’ouest du Nil pour transmettre le Virus du Nil Occidental ; il porte toujours ce même nom, mais est arrivé aux Etats-Unis, il y a quelques années, par l’un des quelques 27 000 vols aériens quotidiens qu’il y a au-dessus de la planète et il transmet un virus qui donne une maladie qui peut se compliquer d’une méningo-encéphalite.

Yovan Gilles : Toujours la cervelle en compote.

Jean-Luc Ménard : Voilà, toujours ces choses-là. Autre exemple, des méningocoques, une bactérie, Nesseira Méningitidis, qui se déplace par voie aérienne, transportée par les 100 millions de tonnes de poussières sahariennes qui prennent leur essor grâce à l’augmentation de la puissance des vents, qui traversent la Méditerranée, qui arrivent en France et en Allemagne, mais qui vont désormais jusqu’en Suède et en Finlande aussi, tellement les vents sont puissants et réguliers, suite au réchauffement...

Yovan Gilles : 100 millions de tonnes annuelles ?

Jean-Luc Ménard : Oui.

Yovan Gilles : On peut faire mieux ?

Jean-Luc Ménard : Oui, je pense qu’ils vont faire mieux : désert de Gobi (dont les poussières parviennent jusqu’au Kansas), etc... et donc parmi ces 100 millions de tonnes, il y a des méningocoques, elles aussi porteuses de méningites, septicémies... Et puis il y a la première maladie virale sur la planète, c’est-à-dire la dengue : 80 millions de personnes...

Yovan Gilles : La dengue ? C’est un nom peu scientifique, ça.

Jean-Luc Ménard : Si, cela s’écrit dengue, non dingue. Première maladie virale planétaire : 80 millions de personnes infectées chaque année et c’est aedes aegypti, toujours un de ces moustique, qui transmet cela.
Et en septembre 2002, la revue médicale bien connue The Lancet a fait une simulation pour voir comment aedes aegypti transmettrait la dengue en Amérique du Nord, suite au réchauffement global. Avec 3° de plus de température atmosphérique, une ville comme Dallas aurait 36 semaines possibles de transmission. Une ville comme Montréal, qui est beaucoup plus au nord, aurait 14 semaines. Et une ville comme Winnipeg, qui est une ville Canadienne à la frontière avec les Etats Unis, aurait 10 semaines. Et à la même latitude que Winnipeg, on trouve, par exemple, une ville comme Dieppe, et donc il n’y a pas de raison particulière de penser que la dengue ne pourrait pas remonter aussi le continent européen, par le biais d’aedes aegyipti, pour tous les motifs que l’on a vus précédemment.

Yovan Gilles : Quels sont les symptômes de la dengue ?

Jean-Luc Ménard : Ce sont de très fortes fièvres, et il n’y a ni traitement efficace ni vaccin.

Yovan Gilles : Est-elle mortelle ?

Jean-Luc Ménard : Oui, pas de traitement efficace, pas de vaccin, donc c’est mortel. Pour l’instant, ce sont environ 20 000 personnes par an sur 80 millions infectées qui décèdent, mais avec l’augmentation des températures, comme on l’a dit, les doses infectantes augmentent aussi.
Surtout, tous ces parasites, en fait, conquièrent de nouveaux territoires et ils arrivent, notamment dans l’hémisphère Nord, en tant que nouvelles pathologies : les systèmes immunitaires humains n’ont pas de défenses, puisque c’est nouveau. Souvent, il n’y a pas de traitement efficace et il n’y a pas de vaccin, et en plus ce sont de nouvelles maladies infectieuses auxquelles les systèmes immunitaires humains ne sont pas habitués dans l’hémisphère Nord. Pour prolonger un petit peu, l’Organisation Mondiale de la Santé Animale, par la voix d’un scientifique Français, qui s’appelle Jean-Luc Angot, a révélé que dans les vingt dernières années, seulement les vingt dernières années, trente nouvelles maladies infectieuses concernant des animaux étaient apparues, et vingt deux, sur ces trente, sont transmissibles à l’homme.

Tout cela indique bien, qu’outre les effets prévisibles du réchauffement global et des gaz à effet de serre sur l’agriculture, l’eau, etc..., il y a également, potentiellement sous forme de pandémies, des conséquences sanitaires, notamment par l’exubérance irrationnelle des déplacements humains. Puisque les systèmes immunitaires humains ne peuvent pas s’adapter à tout cela, il est à craindre qu’il y ait des pandémies générées par des maladies infectieuses pour lesquelles il n’y a ni traitements, ni vaccins.

Yovan Gilles : Maintenant on pourrait peut-être, évoquer avec vous Jean-Luc, les solutions de manière à ce que nos lecteurs soient en mesure de passer malgré tout un bon week-end !

Pour un plan mondial d’occupation des sols

Jean-Luc Ménard : Tout à fait. Alors, effectivement, bien sûr que des solutions, il y en a. Pourquoi ne pas diviser la planète selon un Plan Mondial d’Occupation des Sols, sous souveraineté internationale, et donc avec déterminations des activités ou des non-activités par une instance internationale.

Ce Plan Mondial d’Occupation des Sols pourrait être composé de trois parties :

- une partie urbaine avec, l’habitat et l’affermage urbain,
- des espaces de nature sauvage,
- une partie dévolue aux activités, agricoles ou non : on a vu au cours du premier volet qu’une évaluation de toutes les activités professionnelles de la planète pourrait donner lieu à un choix sur le fait de garder les activités qui émettent le moins de gaz à effet de serre : prioritairement les activités agricoles, puisque l’alimentation est un besoin vital, et cette division, agriculture et activités autres, serait sous souveraineté internationale également, de façon à ce que les critères de rentabilité ne viennent plus interférer avec les dites activités.
On a vu aussi au cours du premier volet, que ces activités pourraient former un revenu d’existence planétaire, ce qui permettrait, entre autres, de ne pas fermer la porte aux pays émergents, puisque ce serait un revenu formé de biens et produits compatibles avec, disons, deux-trois milliards de tonnes d’émission de gaz à effet de serre, alloué à chaque personne du berceau à la tombe.

Yovan Gilles : Comment concevoir une industrie de haute technologie sans recourir aux polluants sans que cela affecte la production ?


Jean-Luc Ménard : Cela n’affecterait pas la production elle-même, mais disons que les 150 000 composés chimiques qui existent aujourd’hui représentent, directement et indirectement, 50 millions d’emplois sur la planète. 3 ou 4 000 composés chimiques utilisés, c’est environ 1 million d’emplois. C’est pour cela que déterminer des activités compatibles avec des émissions de gaz à effets de serre, disons, raisonnables : 2 à 3 milliards de tonnes par an, au lieu des 8 ou 9 d’aujourd’hui, serait une solution et s’inscrirait dans le cadre de ce Plan Mondial d’Occupation des Sols.

Par ailleurs, il faut préserver une nature sauvage sans aucune activité humaine. Et donc il y aurait par là reconstitution de biodiversité, notamment des prédateurs de parasites. Par exemple, une partie des 4 milliards 200 millions d’hectares de sols dégradés, qui sont aujourd’hui très impropres à l’agriculture, pourrait très bien devenir ces conservatoires naturels. Egalement les pays, les zones géographiques, à faibles potentiels agricoles, plutôt que de se lancer dans le tourisme, pourraient très bien être rémunérés par ce revenu d’existence, et leur tâche serait de conserver la biodiversité.

Des écosystèmes puissants pour absorber les polluants

Donc des solutions, il y en a, et on va voir que si, planétairement, ce genre de suggestions n’est pas diffusé et n’est pas adopté, eh bien les écosystèmes finiront par ne plus rendre les services gratuits qu’ils rendent, notamment celui de briser les polluants, etc... On va prendre un exemple précis : les micro-organismes marins. Tant le phytoplancton que le zooplancton contribuent, enfin on peut dire contribuaient, à absorber la concentration de gaz carbonique de l’atmosphère. Il y a une vingtaine d’année, cette contribution était estimée à 1/3 des concentrations atmosphériques de co2, aujourd’hui c’est estimé à ¼, il y a déjà une diminution. Mais en fait, d’après une dizaine d’observations scientifiques réalisées sur le terrain, aux quatre coins de la planète océanique et marine, eh bien non seulement ils n’absorberaient plus la concentration atmosphérique de co2, mais ils relargueraient dans l’atmosphère le co2 précédemment absorbé. Des exemples : une équipe Germano-Britannique, de l’Université d’East Anglia et de l’Institut de Bio-Géochimie d’Iéna en Allemagne, a observé pendant 24 années consécutives l’océan Austral, celui qui se trouve près de l’Antarctique, et les conclusions sont sans appel : l’océan Austral n’absorbe pratiquement plus de co2 concentré dans l’atmosphère(alors qu’il est censé en absorber 15% du total).

Yovan Gilles : Pourquoi cet océan en particulier ?

Jean-Luc Ménard : On va en voir la raison après, elle est commune à tous les océans et à toutes les mers.
Deuxième exemple : 140 000 relevés ont été effectués dans la partie équatoriale du Pacifique par des chercheurs de l’université d’Oregon, et ils ont mesuré très précisément que cette partie équatoriale du pacifique absorbait 1 milliard 800 millions de tonnes en moins de co2 atmosphérique. Même constat dressé par le programme carbo-océan dans l’Atlantique Intertropical,etc... La raison est la suivante : le réchauffement des eaux de surface et les vents transforment le co2, (qui est en quelque sorte "appelé" par le zooplancton et le phytoplancton car ils en ont besoin pour leurs structures), en acide carbonique. Il s’ensuit une acidification généralisée des mers et des océans, dont les organismes sont déjà saturés de co2, qui ne leur permet plus de garder le co2 précédemment stocké, et ils le relâchent dans l’atmosphère.

Pour terminer sur ce point, une mesure qui confirme tout cela : ce mois-ci, en octobre 2007, la revue de l’Académie des Sciences des Etats-Unis a publié des résultats de recherches qui indiquent que, entre 2000 et 2006, les émissions de co2 ont augmenté de 35 %, et là-dessus, 17 % seraient attribuables à des relargages dans l’atmosphère du co2 des mers, des océans et également des forêts. Serait-ce le signe précurseur d’un emballement climatique imminent ?

Donc, il est très urgent de faire l’évaluation de toutes les activités professionnelles, de voir ce qui émet le moins possible de gaz a effet de serre, d’en tirer un revenu d’existence que les 6 milliards et demies de personnes perçoivent sous forme de biens et de produits compatibles avec des émissions de gaz à effets de l’ordre de 2-3 milliards dans un premier temps, 1-2 milliards dans un deuxième temps. Urgent encore de proposer un Plan Mondial d’Occupation des Sols de façon à avoir cette tripartition.

Yovan Gilles : Actuellement, le recours à l’assèchement des zones marécageuses est quelque chose de complètement désuet, archaïque, inutile...

Jean-Luc Ménard : Oui, ceci étant, l’assèchement des zones humides est justement l’inverse de ce qu’il faut faire : en fait il faut garder les zones humides, les marécages, etc... Y mettre des prédateurs naturels pour éviter la prolifération des parasites, etc... Toutes ces zones absorbent les pluies diluviennes et donc elles empêchent les inondations. Par exemple, des mousses absorbent des quantités considérables de litres d’eau. Et ensuite tous ces systèmes, ces écosystèmes relâchent tout cela tranquillement vers les nappes phréatiques, vers les cours d’eau, il n’y a aucun problème si ces écosystèmes sont en fonctionnement.
En revanche, s’il y a développement des activités, l’exubérance irrationnelle des activités humaines (transformation des écosystèmes en urbanisation, en activités économiques, etc...), tout cela disparaît, et on se retrouve avec une superposition de problèmes.

Yovan Gilles : Justement, la définition d’un revenu minimum d’existence correspondrait aussi à un volume de biens incompressible, pouvant satisfaire à des besoins incontournables. Cela apparaît contre nature par rapport à l’essence même de l’économie capitalistique, etc, etc... Disons qu’on pourrait peut-être éventuellement songer, c’est une délibération qui peut sembler totalement utopique aujourd’hui, alors que nous sommes dans des impératifs de croissance et d’accumulation indéfinie en terme de capital et de production, on peut penser que l’humanité subissant des désastres terribles, qu’elle n’ait pas d’autres choix que de se résoudre à cela. On en est pas là pour le moment.

Jean-Luc Ménard : À condition qu’il y ait encore une humanité après les désastres.

Yovan Gilles : C’est vrai que l’apocalypse détruit aussi des emplois ! (Rires)

Jean-Luc Ménard : Ceci étant, je pense que la minimisation des phénomènes de gaz à effet de serre, l’influence sur les températures, etc... conduit précisément à ne pas envisager ces idées là. Mais les estimations actuelles correspondent-elles bien aux réalités ? On a vu dans le premier volet qu’il y avait toutes sortes d’éléments qui, bien qu’attestés par des dizaines d’observations scientifiques, ne sont pas prises en compte, et donc je pense que, s’il y a effectivement les catastrophes auxquelles vous faites allusion, malheureusement, après, il ne restera plus grand monde pour mettre en place un revenu d’existence ou un Plan Mondial d’Occupation des Sols.

Propos recueillis par Jean-Luc Ménard et Yovan Gilles

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Principales sources :

  • Ecosystèmes/Biodiversité :
    • L’évaluation des écosystèmes pour le millénaire ,PNUE,31.03.2005(Voir greenfacts.org pour texte en français).
    • Une extinction massive des espèces est annoncée pour le 21e siècle, Le Monde,09.01.2006.
    • Le plancton consomme nettement moins de gaz carbonique que prévu, Nature,31.08.2006.
    • Le réchauffement ralentit l’activité biologique de l’océan, Le Monde,19.12.2006.
    • Les menaces d’effondrement de la biodiversité s’accumulent, Le Monde,30.03.2007.
    • L’océan Austral fatigué de pomper du co2 ,science,25.05.2007.
    • L’acidification des océans ,eur-océans,01.06.2007.
    • La fréquence des ouragans a plus que doublé en un siècle ,Le Monde,02.08.2007.
    • Biodiversité ,le déclin continue ,Le Monde,13.09.2007.
  • Santé humaine et animale
    • L’azote est plus dangereux pour la planète que le dioxyde de carbone, Courrier International ,27.01.2006.
    • Prévenir et combattre l’éternel retour des épidémies, Le Monde,02 /03.04.2006.
    • Effects of ethanol (E 85) versus gazoline vehicles on cancer and mortality in the USA ,Environmental Science And Technology, 18.04.2007
    • Un risque accru de pandémies ? Le Monde,20.04.2007.
    • Le West Nile Virus n’étend pas sa zone de diffusion en France, Le Monde,18.07.2007.
    • La « cécité des rivières » résiste de plus en plus aux traitements ,Le Monde ,31.08.2007.
    • Transmissible du porc à l’homme, l’hépatite « E » s’est établie en Europe, Le Monde ,01.09.2007.
    • Le Chickungunya pourrait arriver en France ,Metro, 05.09.2007.
    • Un virus suspecté dans la mortalité des abeilles ,Le Monde,08.09.2007.
    • Epidémies animales, des inquiétudes fondées.
      Le réchauffement redessine la carte des risques.
      (Le Monde ,22.09.2007)

[1Les pops : des polluants très Rock ’n’ Roll dans Les périphériques vous parlent n°22, décembre 2007