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Numéro 22
Intermezzo : le jour où Zidane Greta Garbo sa carrière
par Sébastien Juy
Photo Tendance Floue

Dans cet article de philosophie et de poésie, deux figures se croisent : Garbo et Zidane, pour une rencontre improbable où le jeu à l’image et le jeu sur le terrain scellent à la fois glorieusement et ironiquement deux trajectoires : celle de l’inachèvement et celle de la disparition. Perfection écornée et splendeur abrégée.

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Extrait

[...]

Elle :
Née en 1908 à Stockholm au nord de l’Europe, elle émigre à New York en 1925 après avoir interprété quelques rôles au cinéma dans son pays. Entre 1925 et 1941, celle que l’on dénomme aussi "The sweedish sphinx" incarnera à l’écran (muet et sonore) quelques-unes des grandes figures féminines aux destins dramatiques (Anna Karenine, Mata Hari, la Reine Christine...), personnages aussi ambivalents qu’inaccessibles. En 1941, elle tourne ce qui sera son dernier film, La femme aux deux visages. La diva sort du champ sur un cuisant échec commercial. Il y aura bien quelques tentatives, quelques bouts d’essais après la guerre, mais plus jamais elle ne paraîtra à l’écran. Un "never more" malgré elle et revendiqué dans le même temps. Elle disparaît subitement du champ. Sa stature d’icône est au-delà ou en dehors du monde de la rentabilité et du retour sur investissement des Studios. Garbo ne peut simplement rapporter, elle est hors de tout rapport. De cette suspension provisoire, elle fit un geste définitif. Il n’y aurait pas d’Elle au passé, pas un ayant-été en guise de présent, à la manière du personnage de Blanche dans la pièce de Tennessee Williams Un tramway nommé désir. Garbo en refusa d’ailleurs le rôle dans l’adaptation cinématographique, comme elle le fit pour la Scarlett d’Autant en emporte le vent. Dans cette galerie de grand magasin, il n’était plus de banc pour sire à son séant.

Un coup de Boule, jamais, n’abolira le hasard

Lui :
Agé de 34 ans, né dans les quartiers nord de Marseille, de parents immigrés nord-africains kabyles, il sort du champ au troisième coup de tête à la 110ème minute de jeu lors d’une finale de coupe du monde de football disputée en 2006 contre l’Italie. Les deux premiers lui avaient conféré sa gloire lors d’une autre finale de coupe du monde disputée en 1998 contre le Brésil. Depuis quelques mois, il avait annoncé sa retraite à l’issue de cette compétition. La décision semblait mûrement réfléchie et définitive, même si on l’avait vu déjà opérer des fausses sorties par le passé. De là à sortir sur un tel coup de tête, il y avait un monde, a fortiori si l’on considère que ce coup de tête-ci n’avait pas de but, ou plus justement, à la différence des deux précédents, il n’en inscrivit pas.