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Numéro 22
Le POP : un polluant très Rock n’roll, entretien avec Jean-Luc Ménard
Photo Tendance Floue

Les pollutions ambiantales, aujourd’hui, en même temps qu’elles précipitent la dégradation de l’environnement, représentent une menace pour la santé de la population mondiale. L’économie mondiale, enferrée dans une course au développement débouchant sur des crises de surproduction à répétition, utilise en toujours plus grande quantité des polluants aux effets encore mal évalués à long terme sur le vivant. Jean-Luc Ménard, l’auteur de L’an 2093 : Prospective, nous évoque ici les Polluants organiques persistants, molécules inquiétantes relativement peu familières à l’opinion.

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Extrait

Les périphériques vous parlent : Aujourd’hui, le problème à l’ordre du jour de l’agenda environnemental mondial est celui du réchauffement climatique, lequel pose à la suite des enjeux liés aux énergies renouvelables, à la réduction des gaz dits à effet de serre sous couvert de "développement durable". À l’ensemble de ces problèmes majeurs s’ajoute celui de la pollution des océans, des sols et de l’air contribuant à aggraver de façon significative le réchauffement de la planète et la dégradation des écosystèmes planétaires. Un des facteurs démultiplicateurs du réchauffement et de la pollution concerne la prolifération des Polluants organiques persistants. Pouvez-vous nous expliquer ce que sont ces POP ?

Jean-Luc Ménard : Les "polluants organiques persistants" regroupent environ deux mille substances chimiques qui mettent une centaine d’années à se dégrader, c’est pour cette raison qu’on les appelle "persistants" [1]. Ils s’infiltrent dans les organismes humains et animaux en se déposant dans leurs graisses, perturbant leurs systèmes immunitaires. La façon la plus simple de cerner le sens de ce que je dis est de refaire une partie du voyage effectué par l’un de ces "polluants organiques persistants".

[...]

Les périphériques : L’effet des POP étant avéré, y a-t-il une réglementation en limitant la prolifération ?
J.L. Ménard : Concernant les polychlorobiphényles, ils sont en principe interdits d’importation en Europe, mais comme nous venons de le constater, le PCB comme l’ensemble des POP transgresse toute réglementation, dans la mesure où ces substances se propagent à notre insu. En conséquence, il est inutile d’interdire l’importation ou la fabrication des produits en contenant, parce que de toute façon il aura toujours des pays pour déroger à leur prohibition, notamment les pays en voie de développement. D’autant plus qu’il existe de nombreuses décharges à dimension planétaire où convergent des rebuts venus du monde entier. Par exemple, en Chine du sud, la ville de Guiyu abrite une méga-décharge de matériels informatiques périmés où ils y sont désossés. Les PCB y sont en si forte concentration que si l’on jette une pièce de monnaie dans la rivière traversant cette ville, cette dernière s’y dissout quelques heures après, tellement la concentration d’organismes polluants persistants y est élevée. C’est peu dire que la baignade y est déconseillée.

[...]

Les périphériques : Le virus de la vache folle avait fait surgir, il y a quelques années, la notion de principe de précaution qui est, au demeurant, très mal perçu par les producteurs ayant été les victimes directes des pandémies affectant leur cheptel et sinistrant des pans entiers de la production agricole européenne. La prévention des risques inhérents au mode de production industriel dévoile à la suite une contradiction non résolue entre les questions de santé publique et la prépondérance des intérêts socio-économiques susceptibles d’infléchir sur les législations et les décisions émanant des institutions concernées. Dans quelle mesure, selon vous, le principe de réalité économique prévaut-il sur les questions de santé publique ?

J.L. Ménard : La contradiction et le conflit d’intérêt entre le privé et le public explique la raison de certaines pandémies chimiques, mais également d’autres attenantes au réchauffement climatique ou à l’étiolement des écosystèmes planétaires. La nécessité économique qui veut que chaque personne obtienne un revenu de son travail ou que chaque entreprise tire parti de sa production, priment encore sur toute considération écologique ou éthique, en dépit de leurs conséquences, y compris pour la survie de l’humanité. C’est la définition même des activités humaines qu’il faut revoir : ne plus lier les revenus à des activités obligatoirement productives, directement ou indirectement, de biens ou services matériels.

[...]

[1Selon des scientifiques canadiens, le tiers des 150000 composés chimiques existants serait des POP (Science du 13 07 2007).