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Numéro 22
La compétition entre les hommes ou le jeu à somme néante
par Yovan Gilles

À l’heure où le gouvernement vient d’annoncer la création des pôles de compétitivité, je me dis que j’ai toujours méprisé le pathétique social qui grève la destinée à la compétition entre les hommes.

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Extrait

À l’idée de réussite, qui ligue les imbéciles de l’excellence, je préfère briller, non par la revendication d’une nullité sommitale, que par une sorte d’absence ou de surdité à l’injonction : "sachez vous vendre". L’humanité regorge de gens qui jaugent leur performance à cette finalité aussi mince qu’un rhizome sinuant dans la nuit du devenir.

Il faudrait résolument encourager ceux qui se vouent à l’échec et qui, pétant à la face d’un Dieu exhortant à une prospérité, que d’aucun appelle croissance économique aujourd’hui, relayés par les scatologues empailléttés de la promotion sociale, s’en vont vomir, à l’aube, leur insuccès dans un bar à putes. Car la conscience lucide exige de reconnaître que les putes sont les moins putes des hommes et des femmes.

Sélection encore. Les espèces qui n’ont pas survécu n’avaient guère l’intention de le faire. Soit qu’elles fussent trop orgueilleuses pour avoir à s’acquitter d’une tâche que motive la superstition : la survie de l’espèce - alors que chacun de ses membres sait son anéantissement inéluctable ; soit un phénomène phénoménal les en a dissuadé pour de bon. Dame Nature, jusqu’à présent, ne nous a encore jamais montré son cul.

Et l’adaptation dans tout çà ? S’adapter ? Même si pullulent les adaptateurs, il est hors de question que mon costume s’ajuste au comique de l’époque. Et je ne demande pas aux autres de s’adapter à moi, rien que de renoncer à l’idée que l’adaptation validerait une aptitude qui fait correspondre oscillation environnementale et correction comportementale. À vrai dire, tous les gens que je fréquente ne cessent de s’adapter à leur propre inadaptation au monde et se débattent pour n’avoir pas à supporter l’adaptation à la normalité continuée.

[...]

Les ondes, les pixels, les algorithmes, les manuels d’autoanalyse déversent l’éthique du morpion de Dieu en quatre préceptes dont je fus tout prêt d’adopter l’implacable sagesse (si une petite fille de dix ans ne m’avait éveillé un jour à l’anal de Saturne) :

- "Tu seras un salarié, et le gain du salaire deviendra l’ordinaire de ta faim".
- "Tu ne manqueras pas d’avoir des enfants. Les problèmes conjugaux et familiaux obstrueront l’horizon de l’être comme un fistfucking l’anus solaire".
- "Tu passeras l’année à attendre les vacances qui rachètent dix mois et demi d’évasions médiocres aux portions congrues d’un samedi soir par semaine en compagnie de cent millions de défoncés à la surprise partie mondialisée".
- "Tu seras condamné à être heureux. On ne te laissera pas le choix. À chaque fois que tu voudras sortir la tête du cul, tu auras les yeux merdeux de bonheur".

Même les handicapés moteurs veulent devenir valides pour le travail. Qui d’autre que Dieu peut rêver d’une pareille piétaille qui tend le cou pour qu’on lui mette le joug ?