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Numéro 19
La bulle environnementale
Par Gibus de SOULTRAIT |

La crise environnementale qui au, XXIe siècle, profile des signes cataclysmiques, met en question l’idée de progrès matériel illimité qui a orienté le développement des sociétés industrielles. La seule certitude est dorénavant l’imprévisibilité du devenir auquel nous sommes promis. Cette nouvelle donne remodèle la préhension civilisationnelle du temps.

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Extrait

(...) Le vingtième siècle a parachevé l’idée du progrès par une concrétisation matérielle qui, à bien des égards, est allée au-delà de ce qui pouvait être imaginable. Mais en même temps il a mené celui-ci au terme de son illusion, à ce point justement où le progrès n’en est peut-être pas toujours un, dès lors que sa destruction, dans bien des domaines, l’emporterait sur sa genèse. Il y a là un retournement de situation où finalement l’apport du progrès engendre un tel déséquilibre que la nature même de ce qui le définit est à remettre en question. A ce titre, malgré notre obstination, le vingt-et-unième siècle s’annonce de plus en plus comme un repositionnement inéluctable de notre entendement comme de notre mode de vie, et cela au nom d’une inconnue, environnementale notamment, qu’il convient déjà de reconnaître.

Des études récentes sur l’évolution du climat à travers les millénaires ont mis en avant un fait notoire. Les carottages en Antarctique et au Groenland permettent de retracer les évolutions climatiques jusqu’à il y a 400 000 ans, soit l’équivalent de quatre cycles alternant périodes glacières et périodes interglacières plus chaudes. La correspondance d’importantes teneurs de gaz à effet de serre avec les températures plus élevées de ces périodes interglacières est ainsi prouvée. Mais en comparant notre cycle chaud actuel avec d’autres du passé, les scientifiques notent une poussée flagrante dans l’augmentation des taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, correspondant aux 150 dernières années de notre ère industrielle et rendant, de ce fait, notre période interglacière soudainement imprévisible. En relevant des augmentations de dioxyde de carbone de 30% et de méthane de 150%, en un peu plus d’un siècle, les scientifiques révèlent une situation inédite dans l’histoire cyclique du climat, celle non pas d’une élévation des températures due aux gaz à effet de serre, mais de la soudaineté de cette altération liée à l’activité humaine et dont les conséquences possibles n’ont pas de comparaisons dans le passé. Non qu’il y ait là sujet à alimenter plus de catastrophisme que face à d’autres types de circonstances, mais l’incertitude est de mise, celle-ci poussant à suspecter plus en avant la situation.

A cette rupture climatique s’ajoute le problème concomitant du tarissement de ressources naturelles vitales (pélagiques, forestières, pétrolières, nappes phréatiques...) susceptibles de tensions et de transformations elles aussi difficiles à modéliser de façon fiable. Cependant l’inclinaison de ces faits est constatée, mais sans que pour autant on en ressente véritablement le pendant modérateur et régulateur dans la marche inaltérable des artifices du progrès. Comme si nous vivions, par enchantement ou désenchantement c’est selon, dans une bulle environnementale où l’intérêt toujours monnayable du présent (son exploitation, sa jouissance) l’emporterait sur toute perception de ce qu’il encourt. Sans doute le reflet de notre incapacité à avoir une emprise forte sur lui. Comme si le présent de notre situation avec laquelle nous nous battons comme nous nous gavons (nous, pays riches), nous enveloppait dans un aveuglement dont on n’oserait s’échapper par peur d’envisager ce qui adviendrait face à de telles transformations, à de telles ruptures. (...)