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Numéro 8
Solitude, sorcellerie, lutte
Par Jérémie PIOLAT |

Que faire face à la mondialisation du libéralisme, à l’alliance mondiale des néo-libéraux et ultra-libéraux ? Une mondialisation des résistances, une coopération entre tous ceux qui aspirent à autre chose qu’à une société mondiale partout semblable, façonnée par les mots d’ordre de la compétitivité et de la rentabilité avant tout. La fraternité ne se décrète pas, elle s’invente, elle implique un long travail d’écoute. À Madagascar les mots nature, respect, ancien, mort ont un sens coutumier et opératoire. C’est à cette approche que Les périphériques voudraient inviter le lecteur dans le cadre de cet entretien avec Honoré Rabekoto de Madagascar, réalisé quelques semaines après l’avoir connu.

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Les périphériques vous parlent : Tu viens de Madagascar où tu es chanteur, musicien et compositeur dans le groupe Mahaleo et où, également, tu luttes aux côtés des paysans sans terre. Pourrais-tu situer Madagascar ?

H. Rabekoto : Madagascar se trouve à 400 kilomètres du Mozambique, au bord de l’Océan Indien. C’est l’un des pays les plus métissés du monde après le Brésil et Cuba. La culture est très diversifiée avec 22 ethnies, un brassage équilibré entre elles, des mariages interethniques, et enfin des mariages - et le métissage qui s’ensuit - entre Malgaches et Européens.

PVP : Ce mélange ethnique a-t-il déjà été prétexte à des guerres ?

H.R. : Les problèmes interethniques ne se sont jamais posés. D’abord, c’est une île : on n’a pas eu l’instinct de guerre fratricide parce que... ça ne valait pas le coup, parce qu’avec ça on n’irait pas loin. D’abord une même langue unit toutes ces ethnies. Ensuite il y a des croyances et des coutumes partagées. Nous pratiquons, par exemple, le culte des ancêtres, ce qu’on appelle là-bas l’exhumation : tous les sept ans les malgaches des hauts plateaux sortent les morts de leurs tombeaux pour faire la fête. On appelle ça la dynamique de la mort, la mort devient rassembleuse, un ciment social qui permet au clan, à la famille, aux malgaches de se retrouver entre eux durant la vie. Mais on peut parler aussi de l’Art et de la Musique. Les Malgaches sont pratiquement nés avec un instrument de musique à la main. Peut-être avez-vous constaté à Paris ou en Europe que les meilleurs musiciens de studios sont actuellement des malgaches.

PVP : Quel est le sens de Mahaleo, ton groupe, très populaire à Madagascar, dans le contexte dont tu parles ?

H.R. : Son sens est d’abord politique. Nous sommes nés en 1972 au moment historique de la révision des accords de coopération avec la France. Nous sommes apparus durant les grèves étudiantes et lycéennes que l’on animait carrément dans les cours de récréation. Nous sommes nés parce que nous avons vu et senti que les malgaches désirent être malgaches et qu’ils peuvent être fiers de l’être. Au début notre démarche s’est inspirée des chansons populaires, des grandes traditions musicales et des coutumes malgaches, et aussi d’une certaine poésie parce que, là-bas, la poésie est dans les rues, dans la brousse. À travers cette culture populaire dans laquelle nous avions vécu et vivons encore, nous avons essayé de composer, de créer, de chanter ce rêve d’un pays qui désire être heureux.

PVP : Toujours à propos de la culture malgache, tu m’as dit que l’un des problèmes fondamentaux de Madagascar résidait dans ce fait que les gouvernants n’ont jamais pris en compte la culture des paysans. Peux-tu nous dire en quoi consiste cette culture des paysans, et qu’est-ce que cela signifie politiquement de la prendre en compte ?


Quand nous parlons du sens de la vie nous parlons de quelque chose qui serait extérieur à la vie, qui lui survivrait ; mais le sens de la vie disparaît avec elle. Quand encore nous parlons du sens de la vie, nous faisons allusion à quelque chose qui ressemble à la mort. Dieu comme réponse au sens de la vie n’est que le sens d’une réponse possible : il n’épuise pas le mystère de l’origine, il borne l’horizon de l’homme à la prière.


H.R. : Tout ce que je peux dire sur les gouvernants c’est que, depuis 1960, ils n’ont jamais été issus de la classe paysanne ou des villages. Ils sont tous sortis de l’école de la France. Un peu ironiquement je dis : « le pouvoir malgache est issu de la cuisse française ». Pour ce qui concerne les paysans, c’est encore autre chose. Ils ne sont pas organisés, ils sont dispersés et éclatés, bien qu’ils représentent 85 % des habitants de Madagascar. Il s’agit d’une population plus ou moins marginalisée, à 75 % analphabète ; une population victime, parce qu’elle n’a ni les moyens, ni la force de pouvoir dire non. C’est la fameuse résistance passive de Madagascar qui indispose beaucoup de gens. On a fait beaucoup de choses à Madagascar depuis la colonisation, depuis les années 60, depuis 72, et même actuellement ! Malgré cela, tout le monde constate que nous sommes encore plus pauvres et on se demande pourquoi la paysannerie ne bouge pas, pourquoi les minorités riches sont toujours riches et pourquoi les pauvres sont toujours pauvres.

PVP : Tu as évoqué aussi la part d’irrationnel qu’il y a dans la culture paysanne malgache, et le fait que c’est cette donnée-là que les gouvernants ne prennent jamais en compte, voire essayent d’ignorer ?

H.R. : Je prendrai un exemple concret, traité par les soi-disant spécialistes des Sciences Sociales, les anthropologues et les sociologues, évidemment étrangers.

Il s’agit d’un cas précis, qui s’est passe il y a cinq ou six ans, dans une des tribus de Madagascar, la tribu des Antacaranas chez laquelle il y a encore un roi. C’est assez spécial. Il faut savoir qu’il y a en gros à Madagascar dix-huit ou dix-neuf rois et leurs peuples, qui coexistent encore aujourd’hui avec l’État. Dans la région où vivent les Antacaranas, la Banque Mondiale avait vu des mangroves. Il y a à peu près à Madagascar deux ou trois cent mille hectares de mangroves. Tu sais ce que c’est que les mangroves ? C’est bien pour faire, par exemple, la culture de crevettes. La Banque Mondiale et le gouvernement, avaient alors imaginé sur ce territoire de mangroves situé au Nord-Ouest de Madagascar, de mettre en place un élevage de crevettes industriel sur mille ou deux mille hectares, je crois. Ils ont conçu un projet et ont commencé à chercher l’argent. Peu après, ils sont allé dans le royaume des Antacaranas et, là, ils ont commencé à prendre des mesures à anticiper sur les aménagements industriels à faire. Après, ils ont demandé l’avis de la population :
« Oui ou non voulez-vous que l’on s’installe ici ? Il y aura beaucoup d’argent ! »
La population a dit : « Attendez, il faut demander l’avis du roi. » Ce fut l’étonnement pour nos fameux scientifiques et experts.
« Un roi ? », demandèrent-ils.
- « Oui : un roi ! »
- « Mais nous avons déjà parlé au ministre et au président. »
La population a répondu : « Peut-être, mais nous avons notre roi. »
Alors les experts ont démarché auprès du roi : « Nous voulons installer un projet ici, et désirons votre avis. »
Le roi dit : « Si c’est comme ça, je vais consulter mes ancêtres. Il faut revenir tel jour, parce qu’à tel jour du mois (selon le calendrier malgache), j’ai rendez-vous avec mes ancêtres auxquels je demanderai leur avis. »

Là, tu vois le système de raisonnement très irrationnel d’un roi qui représente les ancêtres avec lesquels il communique, et qui transmet l’avis des morts aux vivants, à la population et au gouvernement. Donc, après ce rendez-vous fantastique, le roi dit carrément à la Banque Mondiale et au gouvernement : « Non ! Vous ne pouvez pas installer ici ce projet parce que les ancêtres m’ont dit que vous alliez détruire notre monde. » Jusqu’à maintenant ce projet de la Banque Mondiale a été bloqué. Toujours est-il que depuis ce précédent, on considère Madagascar comme hors norme. Tout le monde - même les chercheurs - commencent à se poser des questions : « Oui ou non, dans le système de grandes décisions à appliquer à Madagascar, en Afrique et ailleurs, nous qui avons des plans et de l’argent pour le développement, faut-il que nous prenions en compte cette part d’irrationnel ? » En fin de compte, les malgaches raisonnent facilement avec l’irrationnel, comme dans ce cas où une discussion avec les morts réussit à bloquer une opération de développement. Je pourrais multiplier les exemples comme à Sainte-Marie, l’île aux pirates qui se trouve dans l’Océan Indien. Il y a sur cette île une population de pêcheurs qui ne travaille pas le mardi et le jeudi auxquels s’ajoute le dimanche à l’église. À Sainte-Marie, si tu veux faire un projet en calculant sur la base d’une semaine travaillée de sept jours, cela s’avérera impossible parce que les gens de là-bas travaillent quatre jours sur sept ! Si tu veux faire quelque chose à Madagascar, il faut comprendre la manière dont les gens vivent, dont ils rêvent, dont ils imaginent. La question est en train d’être abordée d’une façon très sérieuse, parce qu’on n’a jamais compris, comment le paysan, comment la population rêvent, quels sont leurs bonheurs et de quoi ils ont besoin, quels sont leurs rapports avec l’ancêtre, le vivant, le temps et l’espace. Tout cela pour dire que le bonheur d’un peuple ne se résume jamais en terme de Produit Intérieur Brut ni en terme d’inflation.

PVP : Comment vis-tu ce rapport avec les paysans ? D’autre part comment la lutte des paysans sans terre est-elle menée ?

H.R. : Si j’ai un rapport différent avec les paysans, c’est que j’ai mis, en toute modestie, huit ou neuf ans à les écouter en brousse. J’ai une formation de sociologue, plus exactement de chercheur en sociologie appliquée en milieu rural, et j’ai mis beaucoup de temps à écouter, à comprendre. Au niveau de l’adaptation, il m’a fallu un peu de patience. Il y a évidemment là-bas des problèmes concernant les interlocuteurs. Les paysans, jusqu’à preuve du contraire, ne sont pas encore authentiquement et véritablement représentés dans le grand débat national actuel. Évidemment, il y a des syndicats de paysans, mais cela concerne une certaine population déjà plus ou moins récupérée par les appareils : ça tient un discours classique. Le vrai paysan, lui, n’est pas du tout représenté. Nous avons donc eu le projet, il y a pas mal de temps, d’aller repeupler les territoires vides du moyen Ouest de Madagascar. Nous avons commencé à travailler sur ces territoires, et nous avons eu des complications par manque d’interlocuteurs. Les militaires, par exemple, nous ennuient un peu, les administrateurs et la mairie également, les paysans ne sont pas aptes à leur répondre. Il y a toujours chez les paysans malgaches une méfiance, de la peur aussi, vis-à-vis de « l’autre » lorsqu’il est représentant d’un système. Au milieu il y a le rôle de l’intellectuel, des lettrés et les instruits et, pourquoi pas, le rôle de la diaspora malgache : ils sont cent mille ici en France. Eux aussi ont un rôle à jouer. Madagascar a besoin actuellement d’une représentation paysanne ou d’un porte-parole paysan capables de discuter avec « l’autre », l’autre lui est représenté concrètement par l’administration et la présidence, et qui encore, d’une façon un peu plus compliquée, est représenté par ce qu’on appelle la libéralisation et le bordel du fric.

PVP : N’as-tu pas reçu dernièrement une lettre d’un agriculteur écrivain qui s’appelle Roger Canac, dans laquelle il te disait que les paysans français, s’ils voulaient donner un devenir à la paysannerie française avaient beaucoup à apprendre des paysans malgaches ?

H. R. : Oui. C’est une lettre qui nous engage à une responsabilité morale assez importante. D’abord, je précise que je ne suis que le tout petit porte-parole d’une grande paysannerie, qui a de fortes traditions. Si je dis que cette lettre engage à une grande responsabilité, c’est parce qu’elle dit, en gros, que le sort et le destin des paysans du Nord dépendent des paysans malgaches et des paysans d’Afrique. C’est comme si l’Afrique et Madagascar avaient encore gardé chez eux quelque chose, un secret peut-être, qu’il faudrait transmettre aux paysans d’ici. J’ai déjà parlé de cette lettre avec les rares paysans qui existent ici en France et j’ai senti chez eux cet instinct de la terre, de la nature, du ciel, des étoiles. Vous dites ici « bio-environnement », mais c’est un peu plus brut que ça ! Qu’il est rare de sentir ici des gens qui ont gardé l’instinct de la terre ! La terre, certes, est quelque chose à partir de quoi on produit pour nourrir, mais ce n’est pas un truc, un machin, un objet. À Madagascar nous avons gardé ce respect instinctif de la nature. On en a même peur. À propos de la peur de la nature, je relaterai une anecdote que j’ai vécu ici. L’hiver dernier je suis arrivé en France alors qu’il faisait moins quinze degrés. J’étais, par ailleurs, à ma façon un peu terrorisé par les « vigipirates », comme on les appelle. J’avais l’impression que c’était l’état de siège, la guerre civile. Bon ! Il y avait, parait-il, un petit quelque chose par ici, on fouillait, on fouillait, surtout les étrangers. J’ai été fouillé. J’ai commencé à réfléchir : que se passe-t-il, c’est la guerre ? Mais c’est le coup de froid qui a tout bloqué. Je me suis dit : finalement c’est la nature qui peut tout bloquer. Ici on ne sent plus la nature. En hiver, évidemment il fait froid, c’est normal. Mais en France cela avait l’air d’un miracle. Pourquoi oublie-t-on que la nature vit, avec les corbeaux qui font leur footing dans le ciel glacé, avec l’arbre, avec les marronniers ? Ils sont là, mais on ne les voit plus. Pour nous, au contraire, cette nature est visible, elle est dans notre peau. Je me demande si ce n’est pas de cela dont Roger Canac voulait parler. Je ne sais pas, c’est encore une autre histoire.

PVP : La coopération a toujours été pensée comme l’histoire de l’aide apportée par le fort au faible, le Nord étant le fort, le Sud étant le faible, alors qu’aujourd’hui, au contraire, il s’agit d’inverser ce rapport au plan culturel : qu’est-ce que la paysannerie malgache aurait à apporter à celle des pays du Nord ?


La mission humanitaire ne saurait être cela : rendre l’homme coupable de l’homme, rendre l’homme malade de la souffrance de l’homme. Nous savons combien la plupart des religieux surent tirer parti de la détresse du monde pour s’ériger comme des sauveurs, et exiger des hommes tous les sacrifices, jusqu’au sacrifice de leur propre vie afin qu’ils expient leurs fautes (cela s’appelle dévouement). Faire naître chez les occidentaux riches un sentiment de honte en leur présentant le spectacle de la misère du monde, est un procédé totalitaire : rendre coupable c’est rendre impuissant.


H.R. : Pour quelqu’un qui vient d’un pays pauvre - je n’aime pas l’expression mais c’est pour clarifier le discours -, venir ici est un choc. Le choc de voir chez vous les poubelles aussi richement garnies. J’ai honte de ramasser dans les poubelles, mais quand je vois ce que l’on jette ici ! ... c’est toujours le choc. J’ai vu partout des frigidaires, des télévisions et tout et tout. Il y a ici excès de matérialisme et de déchet même ! On jette, on jette. Vous appelez ça l’avoir, le matériel... Peut-être est-ce un critère de bonheur. Ici il y a tout, il y a même des déchets. Chez nous ça manque de tout, nous n’avons pas posé comme critère de richesse la possession matérielle. D’ailleurs à Madagascar, les riches ont plus ou moins une obligation de modestie ; obligation mais aussi intérêt, afin de ne pas se faire voler. Nous avons développé là-bas quelque chose qui n’est pas l’avoir. Cela est très clair dans les villages : quand on prend une grande décision sur la place publique, quand on veut par exemple construire une route et que, pour cela, on a besoin de 250 personnes pour la construire et d’un chef d’équipe pour diriger les travaux, celui qui est désigné comme chef n’est bien souvent pas celui qui est le plus riche, ni le plus fort ! Non, le chef c’est toujours un monsieur qui a pris de l’âge, en malgache c’est « celui qui a mangé beaucoup d’années et beaucoup de jours ». Celui-là, qui a les cheveux blancs et parle au nom des ancêtres et de la terre, c’est lui qui décide. Souvent il arrive que le décideur dans un village soit un monsieur qui n’a rien. Mais il a tout, c’est-à-dire qu’il a la parole : il représente la relation entre l’ancêtre et la population. Ce monsieur qui paraît pauvre, un peu sale, tout est bloqué quand il dit non. Même si tu lui donnes de l’argent, il peut tout bloquer. Il faut le respecter. Ce respect de l’homme, de l’ancêtre, de la mort, de l’être, de la terre, voilà ce qui fait peut-être notre richesse. Je dis bien : peut-être.

PVP : Que représente ce que l’on appelle la mondialisation pour toi qui luttes à Madagascar ? Comment la vis-tu et la vois-tu ?

H.R. : Ça a l’air encore d’un nouveau truc, d’un gadget intellectuel. On a déjà connu ça. On nous avait déjà dit : « vous avez une civilisation un peu retardée » - ce qui a permis la colonisation. Puis est venu un autre gadget. On s’était dit : « Voilà l’indépendance ! On est décolonisé ». Ensuite on a dit : « Non ! On est fâchés. Allez, on va faire la révolution ! » Et voilà, on a fait la révolution. Après on a dit : « Non, ça va pas la révolution on va libéraliser. » Et maintenant on dit : « Mondialisation ! ». Tout ce que je sais c’est qu’il y a, d’une part une minorité qui manipule toujours ces choses-là et qui est toujours là et, d’autre part, une grande majorité, les paysans compris, qui est un peu étonnée que les discours changent, que le mode de penser change mais que les choses restent les mêmes ! Sauf qu’avec la mondialisation actuelle, on assiste à un pillage systématique de Madagascar contre lequel on ne peut rien, parce qu’il faudrait, paraît-il, libéraliser tout et faciliter la circulation des biens et des produits. Circulation des biens et des produits, cela veut dire entre autres : « venez dans les pays pauvres et pillez tout ce qu’il y a à piller. » C’est ça la mondialisation.

PVP : Ne crois-tu pas quand tu viens en France, ou par les informations que tu as sur la France et sur les pays du Nord, qu’il s’y produit actuellement une tiers-mondisation de la population ? N’as-tu pas l’impression qu’ici, il y a actuellement toute une partie de la population, qu’une minorité surpuissante traite avec des manières qu’elle réservait jadis au tiers-monde, une forme d’apartheid social ?

H.R. : Oui et là aussi c’est un choc. En fin de compte, le système n’est pas parfait en soi. En France, on dit « exclu ». Il est frappant de voir qu’il y a ici une population de plus en plus marginalisée. Les jeunes d’abord qui n’ont pas de boulot et, évidemment, les étrangers et les sans domicile fixe, de plus en plus nombreux. C’est la preuve qu’il y a quelque chose qui cloche. Sauf que chez vous il s’agit encore d’une minorité, alors que chez nous ils sont la majorité. La mondialisation, ce n’est pas la perfection. Il y a quelque chose à assainir au niveau de la coopération. Je ne parle pas seulement de la politique entre les États qui coopèrent entre eux et qui s’entendent officiellement comme larrons en foire. Il y a un rapprochement à faire entre les peuples, entre les cultures, entre des gens simples ! Si la coopération se base exclusivement sur des lettres diplomatiques et des protocoles d’accord, sous couvert de la Banque Mondiale et du fric, j’ai bien peur qu’à Madagascar un mouvement de réaction raciste contre les blancs ne se développe. Et je ne sais pas si c’est dans l’intérêt de tout le monde. Il y a déjà là-bas quelques pépins avec des touristes, des allemands, un américain, un suisse... Ce sont des petits pépins, mais si ces incidents se développent, c’est bien parce que les rapports entre le Nord et le Sud sont truqués. Ce sont des rapports entre États, des rapports entre élites, entre mandarins, affairistes, trafiquants, mais ça n’a jamais été des rapports de fraternité entre la population du Nord et celle du Sud. Et c’est là, je crois, que quelque chose est en train de se dessiner avec la mondialisation. Ils veulent mondialiser le fric, l’argent. Pourquoi pas mondialiser la fraternité ? C’est un choix et c’est aussi un devoir si l’on s’estime, au Nord comme au Sud, un peu plus intelligents qu’eux.

PVP : Le 27 décembre 1996, nous avons assisté ensemble à un débat sur l’immigration et la fraternité en Arles, et il y avait parmi les intervenants un des membres du collectif des Sans-Papiers de Saint-Bernard, Bamba. Il avait tenu à peu près le discours suivant : « Vous les Français, ne nous aidez plus. Si on meurt de faim, laissez-nous mourir de faim. Laissez-nous faire. » Que penses-tu de cette position ?

H.R. : Je suis tout à fait d’accord avec lui en tant qu’homme. D’abord, il ne faut pas oublier que si la France est pleine d’étrangers c’est parce qu’elle a colonisé la moitié du monde. Donc, il ne faut pas évacuer la question morale de réparation coloniale. Ça c’est une chose. Je suis donc d’accord avec lui s’il se fâche contre une attitude pas très honnête de la part de l’administration. Mais, au sujet de l’aide, il dénonce une certaine forme d’aide que nous appelons à Madagascar la fameuse carotte empoisonnée du genre : « T’es pauvre ? Voilà la carotte ! », mais c’est empoisonné. C’est une aide qui fait partie d’une stratégie de recolonisation. Je prendrai l’exemple d’un syndicat français agricole très fort - je ne dirais pas lequel pour ne pas faire de publicité - qui est en train de magouiller en Afrique avec la participation totale des gouvernements. Ils sont en train de casser totalement le système de production locale afin que les pays comme Madagascar, par exemple, n’arrivent plus à produire leurs vivres. Ce syndicat se propose d’exporter chez nous les excédents français de blé et de maïs. Évidemment, à nous de les acheter ! Je dis : c’est une forme d’aide bien calculée, une forme de stratégie de guerre économique qui consiste à casser totalement le système de production traditionnel et le marché intérieur pour que Madagascar se mette à genoux, demande de l’aide, de l’aide ! de l’aide ! Tout ça avec une bonne publicité : « Vous êtes pauvres, vous avez faim, vous avez besoin de nous ? Ça peut marcher. » Mais jusqu’à quand ? Je ne sais pas. Ça ne marchera jamais !

Enfin l’ami Bamba, quelque part, exige une réciprocité des coups que les Sénégalais et les Maliens reçoivent. Imaginons que la France donne un coup à un Malien, et l’Afrique un coup à un Blanc ! En Afrique, on appelle cela la guerre. Nous pensons que ce n’est pas la solution. Mais l’avertissement de l’ami Bamba est très sérieux. J’espère que ça tombe dans de bonnes oreilles, assez humaines, parce que, en Afrique, nous n’avons plus rien à perdre ! C’est l’humiliation qui fait mal. On nous considère, en gros, comme des gens incapables, comme des enfants à qui il faut des experts. Quant à la Banque Mondiale, elle s’amuse à jouer avec le feu en provoquant la destruction des systèmes de production. Je ne sais pas si la Banque Mondiale provoque le racisme en Afrique, mais ça m’en a tout l’air !

PVP : L’espoir, aujourd’hui, tient peut-être au fait que nous n’avons plus d’autres choix, face à la mondialisation des intérêts purement économiques, que de créer une mondialisation des résistances et une coopération nouvelle entre les peuples. Selon toi, en quoi cette coopération entre les peuples du Nord et du Sud pourrait consister ?

H.R. : J’étais très étonné en arrivant en France, car c’est ici, par le journal Le père Lapurge de la coopérative de Longo maï, que j’ai su qu’au Mexique il y a le mouvement des indiens du Chiapas. Je te jure que l’on ne parle pas de ça à Madagascar ! Et là j’ai dit : voilà leur stratégie, ils essaient de censurer des mouvements de résistance contre la mondialisation qui se passent un peu partout dans le monde et qui sont très sérieux. Je crois que moi, à Madagascar, je suis un peu « Chiapas dans la tête ». La forme de coopération la plus simple, c’est de s’écrire, de s’envoyer des lettres par la poste, de s’envoyer des informations, de briser la solitude, les barrières, de ne pas se laisser leurrer par les murs. On a abattu le mur de Berlin, tout le monde était content mais, en fin de compte, le plus difficile c’est d’abattre les murs dans la tête de chacun. Il y a un effort de prise de conscience à faire chez tous les jeunes, tous les paysans, tous les périphériques, tous les chercheurs pour abattre les murs dans les têtes. Il faut essayer de communiquer à travers une lettre, un poème, une musique et aussi faire en sorte que tous les paysans, tous les jeunes, toutes les « élites » un peu à gauche sachent que tout le monde est mécontent. Ce n’est pas encore une minorité qui va s’amuser à faire le monde à sa façon. J’ai vu que la Corée capitaliste bouge. C’est clair, il y a quelque chose qui cloche. Il y a un gros bluff qui s’appelle mondialisation. C’est un truc tellement abstrait que tout le monde en a peur. C’est le nouveau mythe ! Mais il y a des contre-exemples que nous ne connaissons pas. Je pense que la meilleure façon de faire est d’abord de rapprocher les hommes et les femmes à travers une coordination, une correspondance, à travers l’appropriation des moyens de communication qui existent maintenant et qui ne sont pas très chers. Cela suppose évidemment un petit peu d’organisation.

PVP : Mahaleo joue un rôle politique à Madagascar. On concourt à construire l’interculturel cher à ce pays. Dans la même logique, la scène musicale, artistique ne pourrait-elle pas, à sa manière, constituer un laboratoire d’apprentissage de cette coopération ?

H.R. : Oui, c’est là le combat de l’imaginaire. Il y a des fronts qui s’ouvrent partout au niveau de l’imaginaire, de la culture. Pour l’instant c’est la culture de guerre qui domine partout, du genre Western et Karaté. Cela ne va pas rapprocher les gens. Au niveau de la musique aussi, il y a une musique de l’élite, du show-business qui ne rapproche pas non plus les gens. Cela crée des faux Dieux, des vedettes. Au niveau de la danse ... - bon je ne parle pas de la danse classique, ce n’est pas ça qui va rapprocher les gens -, il faudrait que nous chantions tous et dansions tous, à notre façon, le même chant et la même danse. Je crois que c’est par là qu’il faut créer un autre imaginaire capable de dire que leur truc ne va pas, que l’on crée autre chose ! En France, dans votre travail à vous, les Périphériques et Génération Chaos, avec Musique/Danse Overflow, il y a quelque chose qui m’enchante : cela ressemble à ce qu’on appelle chez nous les « Sowvas ». Les Sowvas, ça se passe dans les villages, tout le monde s’assoit et quelqu’un entame un chant. Chacun improvise un texte sur la base d’une chanson traditionnelle. J’ai pu assister là à quelque chose où la création bouge. En devenant créateur, chacun de nous peut se rapprocher de l’autre qui est aussi un créateur et qui n’a pas envie de s’ennuyer.

PVP : Peux-tu nous parler du sorcier marxiste ?


Donc, camarade, te seront ennemis - de manière haute, lucide et conséquente - non seulement gouverneurs sadiques et préfets tortionnaires, non seulement colons flagellants et banquiers goulus, non seulement macrotteurs politiciens léche-chèques et magistrats aux ordres, mais pareillement et au même titre, journalistes fielleux, académiciens goitreux endollardés de sottises, ethnographes métaphysiciens et dogonneux, théologiens farfelus et belges, intellectuels jaspineux, sortis tout puants de la cuisse de Nietzsche ou chutés calenders-fils-de-Roi d’on ne sait quelle pléiade, les paternalistes, les embrasseurs, les corrupteurs, les donneurs de tapes dans le dos, les amateurs d’exotisme, les diviseurs, les sociologues agrariens, les endormeurs, les mystificateurs, les mata-graboliseurs...

(Aimé Césaire - Discours sur le Colonialisme)


H.R. : À Madagascar, il y a un grand respect des savoir traditionnels, par exemple pour ce qui concerne les plantes médicinales. Il y a des sociétés traditionnelles avec des systèmes de décision très spéciaux, avec un roi entouré de sorciers. Cela paraît un peu confus, mais il faut être sur place pour comprendre tout cela. En ce qui concerne ce sorcier marxiste, il était d’abord marxiste avant d’être sorcier. Depuis 1972, il était passé de l’école des rues à l’école de la lutte des classes. Au lycée on étudiait évidemment Le Capital de Karl Marx, on apprenait les ouvrages de Mao Tse Toung, et j’ai même assisté à l’université à un discours du général vietnamien qui avait chassé les français du Viêt-Nâm. Des discours simples quoi ! On a même reçu Sankara à l’époque. Tout cela pour dire que nous avons eu un cheminement marxiste avec un gouvernement qui se disait marxiste. On avait adoré aussi à l’époque des années 70 jusqu’à la fin des années 80, Nelson Mandela. Ce sorcier marxiste, donc, s’engageait dans les quartiers et les bagarres égalitaires. Quand je l’ai rencontré, il n’était pas sorcier mais marxiste. Il croyait à la lutte des classes, à la victoire de la majorité contre la minorité d’exploitants, des pays riches contre les pays pauvres, tout le catéchisme quoi. Mais lui faisait partie d’un clan de guérisseurs traditionnels et de sorciers. En plus, il avait fait des études d’anthropologie et avait vécu longtemps avec des sorciers nomades qui lui apprenaient les rites, une lecture du temps, un langage qu’il faut appliquer. Son grand-père, dans sa famille, faisait partie du clan des guérisseurs. Il y a un an déjà, son grand-père, avant de mourir, l’appelle et lui dit : « j’ai fait la lecture du ciel et de la terre, je te désigne comme successeur. Tu vas suivre les rites et tu vas devenir guérisseur comme moi, comme ton arrière-grand-père et arrière-arrière-grand-père. Donc tu ne dois plus faire ça et ça et ça ! parce qu’un sorcier doit maîtriser beaucoup de choses : il ne doit plus boire de l’alcool par exemple, il ne doit plus travailler le mardi ». Alors du marxiste qu’il était, il est devenu guérisseur traditionnel ! Il est chanteur, évidemment, et anthropologue. Devenu sorcier, il a invité tout le monde pour fêter son initiation suprême. Mais (rires)... il n’a pas oublié son enfance, c’est-à-dire la lutte des classes. Dans la façon dont il raisonne, en apportant dans la lecture politique actuelle de Madagascar le savoir traditionnel, il est capable d’être à la fois un sorcier populaire et un marxiste ! Évidemment, c’est une école un peu spéciale dont il pourrait peut-être nous parler ici. Je pense sincèrement l’emmener en France, pour parler aussi de cette sorcellerie.

PVP : Au concert que vous aviez fait en Arles, vous aviez dit : « on nous reproche souvent à nous les malgaches d’être mélancoliques. » J’avais aimé la manière dont vous aviez répondu, mais je suis incapable de bien la restituer. Pourrais-tu nous la rappeler ?

H.R. : C’était au sujet de la mélodie de la chanson Le tombeau du fou. « J’aperçois de ma fenêtre au petit matin, un tombeau. Le tombeau du fou. » À la fin je disais que, en fin de compte, il n’y a pas de fou là, et que ce fou-là, il n’est jamais mort, il vit dans mon cœur. Les gens disaient toujours : mais c’est triste ! Moi, je n’ai jamais eu l’impression que c’était triste, c’est ici que j’ai vu que c’était un peu triste. Je crois que si nous sommes mélancoliques, très gentils et très calmes à Madagascar, c’est dû à notre extrême solitude. Surtout moi qui travaille beaucoup en brousse où tu es las quand tu as fini de travailler. Tu commences à six heures du matin et tu t’arrêtes à quatre ou cinq heures du soir, tu rentres dans le village, tu attends que tout le monde rentre des champs, et comme il n’y a pas l’électricité on allume le feu de bois. Ou tu joues de la guitare, ou tu lis un livre ; les paysans là-bas - je parle des cas difficiles - n’ont pas les moyens de s’acheter une bougie ou une lampe à pétrole. Dans ce cas on allume un grand feu de bois, on prend la guitare et on mange les mangues. Ou bien on boit un peu quelque chose, et avec le feu de bois, on chante, on se regarde, on se parle, on fait cuire le manger. Il y a quelque chose qui se dégage de cette population fatiguée des travaux. Et nous essayons de penser à l’avenir. Et l’avenir, c’est le matin. On pense encore aux travaux qu’il faut faire. Et là, la musique est très douce. Quand je joue une chanson comme le tombeau du fou, je pense à mes copains paysans, aux soirs de feu de bois où on lit les lettres, où on chante. Ce sont souvent des chansons calmes. On ne danse pas trop parce qu’on est fatigué. C’est peut-être cela la mélancolie. Peut-être aussi parce que nous sommes une île, et que le téléphone coûte très cher. Là où je travaille, il n’y jamais de facteur qui passe. Et quand on reçoit une lettre, on la lit devant tout le monde.

PVP : Tu repars demain à Madagascar. Comment envisages-tu la suite de la lutte des paysans sans terre dans un proche avenir ?

H.R. : Ce sera très long. Il y a un système de propriété quasiment colonial qui n’a pas changé depuis un siècle. Il faut que Madagascar, mais aussi les pays Africains, cessent d’imiter la jurisprudence française. La France a mis longtemps à appliquer le système du cadastre, et chez nous ils essayent de l’exporter. Il faut que les malgaches arrivent à trouver eux-mêmes une forme de propriété foncière traditionnelle qui prenne en compte les droits coutumiers. Il ne faut pas imiter tout le temps ce que font ici les autres car l’imitation du système français revient à tuer la propriété collective. En France, on définit comme paysan quelqu’un qui a un tracteur et plus de 8 hectares de terrain, je crois. Donc si tu as moins de 8 hectares, t’es pas un paysan ! Mais ça veut rien dire ! Ils essayent à Madagascar d’individualiser la propriété, de créer des systèmes de fermage. Ça ne marchera pas ! C’est pour cela qu’il y a des conflits fantastiques. Quand tu vois un mec avec un papier qui dit entre autres que x hectares de terrains sont à lui, alors qu’il n’est jamais sur ce terrain-là, et que les autres paysans ne peuvent pas toucher à ce terrain-là parce que, sur le papier, ce n’est pas à eux, eh bien ça ne va pas ! C’est comme ça que le conflit s’est déclenché. On nous avait donné un terrain, on avait commencé à planter et puis quelqu’un s’amène avec un papier en disant « Voyez ! C’est mon terrain ». On a regardé le papier et, en effet, sur le papier, c’était son terrain. On demande au gouvernement « Qu’est-ce qui se passe là ? » Le gouvernement répond : « Et oui, c’est le terrain à quelqu’un ». Et puis c’est la bagarre. Cela va aller très loin. Ce mouvement rejoint un peu le combat des brésiliens parce que chez nous aussi, il y a des « ratifounedistes ». Ce sont des petits nerveux, des petits égoïstes, mais ils ne sont pas méchants. Ce sont des petits mecs quoi ! Évidemment ils ont le fusil, mais je crois qu’ils vont se calmer un peu quand ils vont comprendre que ce n’est pas dans leur intérêt d’avoir la masse sur le dos.

PVP : Durant ton séjour en France, as-tu rencontré des paysans ou des mouvements de paysans français ?

H.R. : J’ai fait des rencontres. Le mouvement des paysans français qui se rapproche un peu de notre vision de la coopération, - à part la coopérative Longo maï, qui fait carrément partie de la famille - c’est la Confédération Paysanne. J’ai eu une discussion assez technique, assez amicale avec la direction, ici à Paris, et j’ai vu que cette confédération est très critique par rapport à la politique agricole que la France applique en Afrique vis-à-vis de cette coopération qui consiste à aider les paysans africains à acheter les tracteurs, les excédents de blé, les excédents chimiques français, et tout le trafic autour, l’agro-busisness ! Cette confédération a une réaction très saine et lutte à l’intérieur même du système, à travers la Chambre des Agriculteurs, afin que les politiques respectent d’abord les paysans, l’agriculture française et la nature - ce qui est très difficile à cause de l’agro-busisness -, et respectent également les paysans malgaches. J’ai été agréablement surpris de découvrir que la France n’a pas un seul discours. Il y a un discours contradictoire. Cette contradiction exprimée par la Confédération Paysanne est nécessaire. Je crois que le type d’approche, de philosophie de développement de cette confédération, sera l’avenir de la France. Si la France désire vraiment faire quelque chose qu’elle commence par elle-même en écoutant les idées de la Confédération ; qu’elle commence à faire quelque chose pour ses déserts, et après on l’imitera. J’avais pensé durant mes passages en Europe que les agricultures de montagne, l’occupation des endroits désertifiés, relevaient un peu d’un discours marginal, d’un exotisme à l’européenne. J’ai été très étonné en voyant à Mulhouse celui qui est le représentant de la Confédération Paysanne qui siège à la Chambre de l’Agriculture, et que j’appelle toujours « l’homme des bois ». Parce que quand je l’ai vu (rires), il sortait des bois. Il travaille dans les bois ! Il prend les feuilles, les plantes, les églantines, par exemple, il en fait des sirops. Il a son label « bio ». C’est un label très compliqué, parce qu’il faut une analyse très pointue du produit pour obtenir ce label-là. Et lui l’homme des bois, il résiste en faisant lui-méme ses confitures avec des fraises sauvages ou autre chose, selon la saison. Il a beaucoup discuté avec moi et j’ai pu constater qu’il y a des gens, ici, qui s’accrochent au respect de la nature et à la vente de bons produits. Cela me surprend beaucoup que l’on n’essaie pas de transmettre ces exemples dans le monde. Aussi la bagarre se situe-t-elle quelque part dans la communication et dans l’appropriation des messages de la culture paysanne mondiale. Il faut que les gens sachent que, quelque part, nous sommes tous « Chiapas dans la tête » ! Ils ont raison ! Sauf que toutes les bagarres ne se ressemblent pas. Mais déjà, ce que fait l’homme des bois de Mulhouse, Monsieur Marcel, l’élu, c’est fantastique ! Ce que fait la coopérative Longo maï, aussi. Et il y a là les seules réponses mondiales afin que l’Afrique et Madagascar retrouvent enfin une voie, une coopération très fraternelle, une coopération « terre à terre » !