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Numéro 9
L’espace public citoyen
Par Les Périphériques vous parlent |

Ce texte, cosigné par Les périphériques vous parlent, Génération Chaos et le Laboratoire d’études pratiques sur le changement, constitue une plate-forme de propositions pour la création d’Espaces Publics Citoyens proposée dans l’article suivant.

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Une conviction semble s’imposer à notre époque : les impératifs du marché conditionnent toutes les activités et les expériences humaines. Forte de cette logique, l’économie prétend contrôler et au-delà programmer toutes les productions humaines. Considérée comme le fondement des possibles humains, cette foi économiste exprime en fait la pensée unique, même quand elle apparaît à travers des idéologies différentes.

Cette croyance de nos jours est largement partagée par l’opinion mondiale, perpétuée par les instances médiatiques (de la publicité à la presse à grand tirage et à la télévision). On peut constater que cette conviction de droite est maintenant adoptée par une grande partie de la gauche, même si elle se pare à l’occasion d’une politique sociale destinée à répondre, au jour le jour, aux conjonctures traumatisantes d’une guerre économique acharnée visant à instaurer partout l’économie mondiale de marché.

De plus, le fait que l’économie de marché soit de plus en plus dépendante du marché financier, assujettit l’humanité entière à la domination de ces places fortes financières que sont les bourses et les grandes institutions bancaires (globalisation des capitaux). D’autre part, la soumission des individus aux lois du marché les accule chaque jour davantage au rôle de consommateurs. L’exercice même de leur citoyenneté se trouve de ce fait extrêmement entravé.

S’opposer aux places fortes financières (Banques et Bourses) soutenues par les idéologies de la Pensée Unique appelle à une mobilisation des citoyens à travers cet objectif : faire en sorte que l’être humain actuel, étroitement conditionné et programmé pour se conduire en consommateur dans tous les espaces de sa vie, puisse maintenant se donner au présent un devenir citoyen.

« Faire en sorte » veut dire rendre possible ce devenir citoyen. Pour cela des lieux, des espaces sont nécessaires. Aux habitants des grandes et petites cités, des quartiers, des banlieues, des villages de les concevoir et de leur donner une réalité : leur réalité. Créer, en somme, face aux places fortes financières où s’élaborent les idéologies de la Pensée Unique, des places fortes citoyennes où s’exprimeraient des pensées plurielles. Plutôt que « places fortes », nous préférons les appeler des Espaces, dans la mesure où un espace évoque un lieu ouvert, ouvert à tous et pour tous.

Dans le sens le plus large, ces espaces ouverts auraient pour vocation de réunir une population d’une localité pour y réaliser un devenir citoyen. Ces espaces ouverts à toutes les expressions et expériences citoyennes se voudraient des lieux où apprendre, chacun avec l’aide de tous les autres, à penser, à voir, à écouter, à produire, à se comporter autrement, autrement que comme des consommateurs résignés.

Nous imaginons donc ces lieux comme :

- des espaces dans lesquels des gens de tous âges et toutes conditions (travailleurs, employés, chômeurs, élèves, étudiants, experts, exclus, précaires, etc.) pourraient imagine une culture en la faisant (une culture citoyenne). De notre point de vue, l’expression « faire culture » se réfère aux pratiques culturelles mises en jeu. Dans ce sens, l’expression « faire culture » exprime à la fois les moyens, les modes de penser, de faire, d’être, mis en œuvre sur tous les terrains de la vie par l’ensemble des protagonistes pour se donner un devenir citoyen.

- des espaces de résistance et d’existence. De résistance contre la pensée unique, contre la compétitivité qui élimine l’autre, contre la résignation aux lois du marché réduisant chacun à l’état de consommateur. Des espaces où la résistance s’exprimerait en terme d’existence ; une existence s’édifiant à partir de la lutte menée par chacun avec tous pour se donner les moyens, les occasions, les possibles d’un devenir citoyen.

- des espaces de formation des citoyens, d’auto-formation à la citoyenneté. Des lieux laboratoires d’expériences sociales et artistiques, expériences qui pourraient se poursuivre sur les terrains où se manifeste la communauté. Des lieux de solidarité avec la jeunesse où, entre autres, les enfants, les adolescents en difficulté scolaire ou de formation pourraient trouver, grâce à l’assistance des citoyens fréquentant les espaces, des débouchés nouveaux ou peu perceptibles, des possibles à inventer.

- des espaces de production et d’acquisition des connaissances indispensables à l’exercice de la citoyenneté. Nous pensons en particulier à une recherche visant à décloisonner le savoir, à le sortir des spécialisations à outrance qui font de chaque discipline, de chaque branche de métier, un domaine réservé à l’expert. D’autre part nous y proposons l’étude et la mise au point de langages de transversalité permettant au citoyen de nouer une relation avec la science, les expressions artistiques, la philosophie.

- des espaces ouverts sur le monde de la production. Cela concernerait, d’une part, les entreprises en général. Les participants des espaces (intervenants et public) devraient chercher à nouer des rapports citoyens avec les entreprises locales voir, par exemple, quelles pourraient être les alternatives citoyennes dans le cadre du monde du travail. D’autre part, la production du savoir. Il s’agirait en l’occurrence de nouer les relations les plus larges possibles avec l’École, l’Université et tous les Centres de formation afin d’inventer un type de collaboration, de coopération entre les démarches citoyennes et les institutions ayant en charge l’Éducation Publique.

- des espaces de production et de présentation des expressions artistiques et sociales. Il ne s’agirait pas seulement de monter ou de présenter des spectacles (concert, théâtre, danse, etc.) mais d’organiser autour d’un spectacle une série d’interventions destinées à étudier, avec le public, les émergences susceptibles de se manifester au cours des représentations. En fait, c’est pour nous la meilleure façon d’aborder les problématiques touchant à la créativité. D’autre part, les manifestations concernant les expressions sociales devraient dès le départ (c’est-à-dire au moment même de l’élaboration du projet) se constituer en champs d’expériences. Il faudrait dans ce cas faire en sorte que tous les participants, organisateurs, intervenants à quelque titre que ce soit, disposent des moyens d’agir pour apporter leur contribution à l’expérience.

Les périphériques vous parlent, le Laboratoire d’études pratiques sur le changement, Génération Chaos, s’engagent dès à présent à mener toute action utile pour la création de tels lieux ou espaces. Ce numéro vise d’ailleurs à formaliser quelque peu ce projet. Nous pensons qu’il aiderait à éclaircir ce que pourraient être ces lieux, mais il appartient à tout groupe humain, association, communauté, de concevoir, d’inventer sa propre démarche. Après un premier examen, notre choix pour un intitulé de ces lieux s’est porté sur : Espace Public Citoyen.

ESPACE, parce que « sans murs », dans la tête, dans les idées, dans les intentions, ouverture à...

PUBLIC : le terme évoque pour nous « un ensemble de personnes », un ensemble composé de personnalités différentes. C’est le développement des différences z propres à chacun à travers une interactivité des uns avec les autres qu’évoque pour nous le terme public. Un ensemble, donc, ayant pour premier souci le développement de la différence de chaque personne qui le compose.

CITOYEN : « On est citoyen qu’à le devenir », c’est strictement le sens que prend pour nous le terme citoyen.