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Numéro 10
Monter au tambour : à la découverte du Danmyé
Par Cristina BERTELLI |

Lors d’un récent voyage en Martinique, je découvrais la cérémonie danmyé. Celle-ci tend à estomper les limites existant entre la danse, le sport, le combat et l’éthique, dans des manières singulières de faire corps à corps.

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Martinique, avril 1998

Je me trouvais, ce lundi de Pâques 98, sur la plage de l’Alise Figuier à Rivière-Pilote dans le sud de l’île, en compagnie de Jil Valhodiia, correspondant permanent des Périphériques dans les Caraïbes. Amateur et pratiquant des danses et musiques martiniquaises, il tenait à me présenter un exemple caractéristique de ces expressions, le danmyé, art martial local, héritier des traditions guerrières et des cultes des esclaves africains.

Les recherches sur l’évolution du danmyé, appelé également ladja ou kokoyé ou wonpwen, qui ont amené à sa structuration actuelle, sont encore balbutiantes. On peut suivre l’histoire de cette expression à travers les contacts qu’elle a noués avec d’autres arts martiaux, d’autres sports de combat et différents rituels de danse, pratiqués dans plusieurs régions et chez plusieurs ethnies africaines. Dans ce premier brassage initial, se sont progressivement ajoutés, en phase avec le contexte plantationnaire puis colonial, les apports de la religion catholique, des pratiques indiennes (dues à la forte immigration de travailleurs venus d’Inde au 19ème siècle), des pratiques occultes d’origine européenne, sans oublier, non plus, l’enrichissement dérivant de l’appropriation des techniques de la lutte et de la boxe, ou encore la parenté évidente avec d’autres formes de combats de la diaspora noire, telles la capoeira brésilienne, le sauver vaillant guadeloupéen et le combat bâton haïtien. Ces intégrations progressives ont délimité, réglementé, institué ce que l’on peut considérer comme la cérémonie danmyé.

Ce que j’ai vu

Le protagoniste de danmyé évolue dans l’espace danmyé sur la musique danmyé. Se mettant en harmonie avec la musique, le combattant va y puiser force et inspiration. « Seulement un bon chanteur, accompagné d’un bon "répondé", un bon "tanbouyé", un bon "bwalé" pouvaient "piquer" le combattant, l’exciter, le galvaniser, le provoquer. Le mariage heureux des quatre amenait le combattant à perdre la notion de réalité, sollicitant en lui une énergie qu’il ne soupçonnait pas et que l’on ne pouvait deviner » (Les phrases en italiques sont tirées de la brochure Asou Chimen Danmyé, Propositions sur le Danmyé en Martinique, éditée par l’AM4).

Ainsi, sur cette grande plage caraïbéenne, dans un grand cercle formé par des musiciens au tambour, des chanteurs, des combattants et l’assistance, soit à peu près 150 personnes, la cérémonie se déroula ainsi : après l’installation de la musique et du chant, un premier combattant entra dans l’espace de combat, au rythme de la musique, selon une cadence qu’il adaptera progressivement à tous ses gestes de combat. Sport, musique, danse ne se quitteront plus. D’abord, il y a l’échauffement, une exécution de marches très brèves et de sauts en cadence. Ensuite, le combattant « monte au tambour » littéralement pour « aller s’imprégner de la musique danmyé ». Pour être plus explicite encore, j’ajouterai que le combattant « marque la musique » en adoptant, face aux musiciens, une ou plusieurs postures de combat. On est enclin à affirmer, à ce propos, qu’il communique avec la musique afin de capter le maximum d’énergie en circulation, se mettant ainsi en condition de parvenir à la plus grande concentration possible. Face au tambour, le combattant se montre, s’expose, et le rythme musical change et s’adapte à lui.

Une, deux minutes et la préparation au combat est faite, le combattant reprend ses cadences dans le cercle, attendant celui qui viendra le défier, et qui à son tour « montera au tambour », à la suite de quoi le combat pourra commencer et le sport s’ouvrir à sa performance. Au bord de cette grande plage ensoleillée, dans un climat festif et populaire, la cérémonie dura huit heures, ponctuée par une grande pause en milieu de journée et par les pauses de chacun, se restaurant et se rafraîchissant dans la mer.

Lutte et musique

Les regards des combattants se croisent, se pénètrent. Moments d’observation qui s’éclipsent dans la rapidité des attaques, dans les feintes ou les esquives, dans les coups de pieds (7 fondamentaux) et coups de poings (4 fondamentaux). Les mouvements sur place en équilibre, en déséquilibre succèdent aux déplacements, aux prises avec les mains (pour pousser, tirer, soulever ou renverser) et à tous ces gestes qui se retrouvent dans d’autres arts martiaux ou encore dans de nombreuses luttes quelles qu’elles soient.

Il est clair que le combattant danmyé vise non seulement à l’efficacité du geste, - et pour cause : il doit gagner - mais aussi à sa beauté et à sa perfection. Élégance des gestes qui, en harmonie avec la musique, s’imposent au regard, s’ajoutent à la lecture de la performance sportive, au mérite de la précision du combat, car je ne cesserai de le souligner : véritable combat il y a. En effet, « il est juste de dire que le danmyé n’est pas une danse. On entre dans la ronde non pour danser, mais pour se battre, lutter avec un adversaire et le vaincre. Le moindre geste utilisé, le moindre déplacement, la moindre posture préparent et permettent de réaliser l’attaque et la défense. (...) Le danmyé est lié à la danse, il partage avec les danses négro-martiniquaises la mêmes identité gestuelle, la même symbolique de mouvement, mais avec des accents et dans des buts guerriers. Faut-il s’en étonner ? Non, car les origines spirituelles et culturelles du danmyé et de nombre de danses kalentida-bélé sont les mêmes : le culte du dieu de la mort qui était aussi le dieu de la guerre » (ibidem).

Je voudrais, à ce point, retenir une des originalités de ce combat, elle réside dans le fait qu’au danmyé « la musique est déterminante : elle est productrice d’énergie et contribue à réguler le combat. Une force qui peut faire perdre ou gagner. » Les anciens ont pour coutume de dire « qu’il faut savoir s’accorder au langage du tambour quand il est favorable et s’opposer à lui quand il est contraire » (ibidem). C’est un point important pour qui s’intéresse à la question de l’interdépendance entre musique, danse et sport : comment arriver à mettre à l’épreuve, avec la participation d’un public, une idée, un concept, une expression artistique dans un combat, c’est-à-dire encore dans un sport ?

Ce rapport entre rythme musical et performance sportive sur lequel j’insiste renvoie directement au sens étymologique du mot spectacle, soit quelque chose qui « se donne à voir ». J’avancerai que ce sens premier « donner à voir » permet de sortir des critères habituels qu’on prête ordinairement au terme spectacle, critères qui s’avèrent en la circonstance complètement obsolètes. Heureusement, comme le notent si bien les auteurs de l’Éloge de la Créolité : « Vivre une question est déjà s’enrichir d’éléments dont la réponse ne dispose pas » (Éloge de la Créolité par Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, éd. Gallimard. Voir aussi l’entretien avec Patrick Chamoiseau). De fait, le danmyé fait vivre la question concernant le rapport entre danse, musique et sport, dans la mesure où ce que je vois me fait déjà entrevoir des éléments de réponses qui vont éclairer la question. Le spectacle devient alors concrètement pour moi « un mouvement de connaissance », engageant autant le plan du sensible que la réflexion. J’apprends, en fait, à désencombrer mon regard saturé de pratiques sportives répondant aux seules exigences de la compétition. J’en reparlerai.

Dans l’acception courante, dès qu’il y a lutte, il y a un gagnant qui implique des perdants. Pour ma part et à bien y regarder, avec le danmyé je n’y ai vu que des gagnants. Il n’y avait que des gagnants pour la raison que toute cette activité reste excessivement réfléchie. Il est bien clair qu’une rencontre qui a pour objectif de fabriquer un gagnant à partir de la défaite des autres, ne me semble pas réfléchie si je me réfère à ce qui m’a été donné de voir. Lorsque le jeune défie le « vieux du village », lorsque le maître rencontre son élève, lorsque des inconnus ou des champions, des gros et des petits s’affrontent, lorsque des personnes très âgées réussissent à s’accrocher, à se dérober, à se déséquilibrer avec une maîtrise incroyable, tout cela semble très sérieux, sérieux puisqu’ils ne font que se regarder dans les yeux et sourire. Gagner et perdre avec le sourire, c’est faire gagner aux yeux de tous d’abord le combat, c’est-à-dire ce qui est « donné à voir ». Par là, oui, le spectacle a du sens. Bien sûr, l’un des combattants peut se retrouver quelques secondes au tapis (sur le sable), mais si cela arrive à la suite de gestes de pure agressivité, le discrédit frappera l’agresseur, même s’il est le vainqueur. D’ailleurs, il sera vite repris par un corps arbitral exigeant, même si l’arbitrage intervient finalement très peu dans le danmyé. Vouloir « gagner pour gagner » ne fait ici, en l’occurrence, pas sens. La rigueur sous tous ces aspects est recherchée dans la performance technique, sportive, artistique. La beauté du jeu devient l’enjeu. Mais ne nous y trompons pas, pour chaque combattant il s’agit quand même de gagner, disons de gagner en faisant en premier lieu gagner le combat à travers ce que va être donné à voir. Le public a d’ailleurs son mot à dire puisqu’il est retenu que sa respiration est un bon indice pour mesurer la valeur du combat de danmyé.

Ces quelques observations me ramènent à cette remarque : « Ne pas confondre les livres qui vous racontent un voyage et les livres qui vous font voyager ». Avec le danmyé, on est tout de suite dans le voyage. C’est la beauté du jeu qui pousse à concevoir les critères encore inimaginables qui font « le voyage », le voyage quand il a pour objet « la découverte ». Le danmyé s’offre alors à moi, comme ce « temps du voir » qui va me faire connaître cette discipline qui fait danser le sport en débordant la danse. J’ai vraiment été touchée par cette activité, ce sport qui montre avant tout les hommes et les femmes qui l’exercent : leur manière d’agir, de sourire, d’être des femmes et des hommes dans la performance qu’ils réalisent. En cela je vois dans le danmyé autant une expression artistique qu’un sport. Un art complexe, en tout cas, qui laisse toute sa place au sport et où les participants pratiquent la multidisciplinarité : les musiciens quittent le tambour et vont combattre, les combattants participent au chant, les chanteurs se mettent au tambour, ce qui est une réelle mise en visibilité du processus de recherche qui unit ces gens autour d’une manifestation tout à la fois sport, art et expression populaire.

Je dérogerai vraisemblablement aux règles du bon parler du danmyé en exposant les fortes impressions que cette manière de pratiquer le sport m’a donné, un sport qui intègre la compétition, mais dont le déploiement s’exprime par la richesse particulière d’un « chercher ensemble » hors du commun, en tout cas hors du commun « occidental », avec musiciens, chanteurs, combattants, public, et ceci porté par un collectif sportif à part entière, chacun apportant ses compétences et ses valeurs. Il y a là un mode de penser et de faire qui apparaît comme particulièrement utile à certaines recherches en cours pour sortir le sport moderne des seuls critères de la compétition. Je pense en l’occurrence aux travaux que mènent, en France, en coopération avec Les périphériques vous parlent, des associations affiliées à la FSGT (Fédération Sportive et Gymnique du Travail, voir l’article Sport, philosophie, politique : métaphores et champs d’exploration).

Modernité et créolité

Je tiens beaucoup à ce que l’on n’oublie pas l’épithète art pour qualifier la pratique du danmyé, car outre le fait qu’il est un art martial, il invite, pour paraphraser le philosophe Michel Foucault, à penser le sport autrement avant même de penser à un autre sport.

Danmyé signifie chanté en créole. Comme je l’ai signalé plus haut il repose sur un équilibre fragile entre danse et combat ; j’ai envie de dire de cette constante instabilité intrinsèque qu’elle est en phase avec une Martinique en pleine effervescence d’identité créole, avec une île aux tons flamboyants (comme le nom d’un des arbres locaux). Ici résident à la fois la richesse et le danger propres à une telle pratique : il faut à tout prix que les protagonistes du danmyé le sortent des simples revendications passéistes, traditionalistes pour lui donner un devenir. D’ailleurs, pourquoi pas un devenir créole, même si cela n’est pas une mince affaire. [1]


L’expression d’un artiste c’est son âme rendue visible, c’est la mise au grand jour de tout ce qui le constitue, son tempérament, son expérience. Derrière chaque geste on entend la musique de son âme. Sans quoi le geste serait vide, et un geste vide est comme un mot vide - dépourvu de sens.

(Bruce Lee)


Lorsque Édouard Glissant parle des littératures créoles, il affirme qu’il leur faut tout assumer d’un coup : « le combat, le militantisme, l’enracinement, la lucidité, la méfiance envers soi, l’absolu d’amour, la forme du paysage, le nu des villes, les dépassements et les entêtements. C’est ce qu’il appelle l’irruption dans la modernité, car par manque de temps, les créoles se doivent de « porter partout l’audace de la modernité. » (Édouard Glissant, Le Discours antillais, éd. du Seuil) [2]

Ces déclarations repprésentent de véritables exigences pour le danmyé, affirmations auxquelles font écho celle des auteurs de l’Éloge de la Créolité, écrivant ces phrases singulières : « nous faisons corps avec le monde, (...) notre histoire est une tresse d’histoires, (...) la mémoire collective est notre urgence » Et encore : « comment penser un roman antillais sans être riche des approches qu’ont du roman tous les peuples du monde ?, comment se préoccuper d’une expression artistique qui, efficace à l’intérieur de la nation, se révélera anachronique ou dépassée une fois pointée à l’extérieur ? » (ibidem).

Pour ma part, également, je ne pense pas que l’on puisse concevoir cette pratique sportive/artistique sans soulever la question de son évolution ici et dans le monde. Le danmyé est certainement une « preuve » très riche de la fécondité des cultures martiniquaise et caraïbéenne, tout en apportant sa part à un devenir mondial, totalement ouvert. Son ancrage local est une garantie de pertinence dans notre monde en devenir. Il s’agit maintenant pour les protagonistes locaux de faire évoluer le danmyé sans trop craindre les innovations qui peuvent s’ensuivre avec les pratiques qu’ils mettent en œuvre lors des répétitions, sans le noyer, en somme, dans les nostalgies identitaires, mais, au contraire, en l’imposant comme forme de résistance à une mondialisation exaltant une compétition destructrice. En le regardant aussi comme une pratique de créativité qui ne saurait s’imposer aux regards des profanes sans se dire avant tout pratique culturelle. Cette irruption dans la modernité me semble être, pour le danmyé, un grand défi à relever.

Depuis quelques années, le danmyé est de plus en plus sollicité pour des démonstrations, tournois ou « rankont » dans les communes. Il a maintenant droit de cité dans les médias ; il intéresse femmes et enfants qui demandent la mise en place de structures ; l’institution scolaire réfléchit à la manière de l’intégrer dans l’enseignement de l’EPS ; des livres et des brochures sont édités.

Mais on ne relèvera pas ce défi en faisant abstraction du fait que le regard actuel sur le sport, comme celui sur l’art, sur le théâtre, est salement encombré de stéréotypes célébrant la souveraineté des champions sportifs, de la même manière, d’ailleurs, dont on « s’écrase » devant l’autorité des experts scientifiques, politiques ou artistiques. Le fait que « les raisons marchandes » aient pu contaminer le regard public en le détournant des pratiques sportives ou artistiques pour les vouer à l’adulation des champions et des maîtres a considérablement affaibli la capacité du public de comprendre les enjeux liés au sport et à l’art en tant que pratiques culturelles majeures. Et c’est bien là que réside, aujourd’hui et partout, la déficience citoyenne.

Face à ce regard mondial si abîmé, si fatigué, si paresseux, si conditionné, si complaisant, si « idiot » (Idiot dans son sens étymologique, se rapportant à étranger, étranger à ce qui se passe, à la réalité scénique du sport et de l’art), comment faire évoluer une discipline qui, tout en étant constamment pratiquée dans l’île, ne s’est encore jamais exposée au regard du « monde » ? C’est-à-dire, comment le danmyé peut-il encore faire admettre au monde la modernité de sa démarche, son usage créatif, bon pour tous, parce qu’exemplaire ?

Pour soutenir mes propos peut-être hérétiques touchant au parallélisme entre sport et théâtre, (c’est, en fait, du lien entre le corps et l’esprit dont il s’agit), je rapporterai ces paroles de Jean-Marie Pradier citant Jean Duvignaud, dans lesquelles, si aisément, on pourrait remplacer le mot théâtre par le mot sport : « La diffusion ethnocentriste de l’idée de théâtre comme genre universel et critère de civilisation a provoqué d’étranges malentendus, sinon des ravages. "Idée folle", elle a conduit les gens de théâtre à s’engager dans des impasses ; elle entraîne certains peuples jeunes à tourner le dos aux possibilités authentiques de leur propre culture pour tenter de traduire à travers la formule européenne de la scène des situations qui lui sont incomparables ».

C’est dans cette nécessité "ethnoscénologique" de « voir et de comprendre la spécificité culturelle qui en est l’élément générateur » (ibidem), pour la valoriser en lui donnant en même temps un devenir, que devront en fait s’exprimer les possibles du danmyé. Voilà, à mon sens, l’espace à lui construire, voilà le corps à corps à engager, pour introduire cette fameuse « irruption dans la modernité » dont nous parle Glissant. Voilà, ni plus ni moins, ce que mes yeux ont vu, ce que mon corps a dansé, en regardant cette manifestation si pleine de promesses des gens de Martinique, ce lundi de Pâques 1998 à Rivière-Pilote.

[1Je rapporte volontiers dans le cadre de ce texte cette note de Jil Valhodiia susceptible de bien éclairer mon propos : « Pour présenter rapidement la Créolité, on peut affirmer qu’elle représente un "monde diffracté mais recomposé, un maelström de signifiés dans un seul signifiant : une Totalité". Les auteurs de l’Éloge reconnaissent eux-mêmes qu’ils n’en ont pas une définition précise, vu que ce serait même en contradiction avec des notions qui présentent une "nouvelle dimension de l’homme", dont les caraïbéens sont, par leur histoire, la préfiguration. "Du fait de sa mosaïque constitutive, la Créolité est une spécificité ouverte. Elle échappe ainsi aux perceptions qui ne seraient pas elles-mêmes ouvertes. L’exprimer, c’est exprimer non une synthèse, pas simplement un métissage, ou quelle autre unicité, c’est exprimer une totalité kaléidoscopique, c’est-à-dire la conscience non totalitaire d’une divinité préservée." Tout ceci reste bien inconfortable du fait que cela suppose de fortes incertitudes identitaires et anthropologiques, réelles dans les Caraïbes et finalement dans le monde entier : or, il s’agit de vivre "ses inconforts comme un mystère à accepter et à élucider, une tâche à accomplir et un édifice à habiter, un ferment pour l’imagination et un défi pour l’imagination." Comme l’énonce Héraclite d’Ephèse : "Si tu n’espères pas, tu ne trouveras pas l’inespéré qui est inexplorable et dans l’impossible". »

[2L’association martiniquaise AM4 - dont nous aurons l’occasion de reparler, puisque notre correspondant permanent Jil Valhodiia, en fait partie - voudrait valoriser cet art martial encore méconnu qui a même failli disparaître, pour permettre, notamment à de jeunes martiniquais de profiter d’une histoire qui n’est pas encore corrompue par les critères établissant la relation dégradante gagnant/perdant et la domination de l’idée unique mythifiant le « champion sportif ». L’association, d’autre part, voudrait faire connaître l’apport très important sur le plan de la recherche personnelle que le danmyé contribue à développer dans les domaines de l’équilibre et de la maîtrise de soi, au même titre que tous les sports de combat, et les arts martiaux, en particulier L’association œuvre également pour l’étude, la transmission, la protection, la revalorisation et le développement des danses et musiques négro-martiniquaises qui comprennent également le bèlè et le kalennda : à suivre.