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Numéro 1
Rebels with or without a cause
Par Valérie NAUDIN | Paru le février 1994
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C’était une soirée de galère. J’étais fatiguée et affaiblie mais pourtant..., je pensais, je rêvais. Ma force, je la puisais dans l’espoir, sorte d’émerveillement, « de pulsion de demain ». La fatalité et la médiocrité de la vie courante écrasaient la conversation qui se menait. Cette tristesse m’anéantit si je m’y résigne.

J’essayais d’exposer, d’expliquer, de m’exprimer en argumentant. La Jeunesse s’auto-détruit et tout un chacun s’en fout. C’est grave. Il faut y réfléchir ensemble et agir en conséquence. C’est pas pour faire du style. Plutôt une sorte de raison de vivre, un but pour exister, et aussi, et surtout à partager. Partager oui, mais ne jamais imposer, chacun est resté sur sa position, l’action ne peut venir que d’eux.


LA TÉLÉ

Il se dit : le commentaire télé n’est jamais le commentaire de l’image, seulement le commentaire de celui qui la présente.

Le commentateur de l’image est payé pour son commentaire. Le commentateur doit en donner pour son argent au dirigeant qui le paie. Par là le commentaire produit la sur-information que l’on pourrait, paradoxalement, tout aussi bien, qualifier de sous-information. Le destinataire n’a d’autre intérêt que de s’ajouter à l’assistance pour faire nombre, à seul fin de mesurer l’audience.


Des questions et des réponses imprécises fusaient dans le désordre :

- Le monde est pourri, la société est mal faite, je n’en ai rien à faire, je n’arrive plus à vivre, plus de travail, il faut avoir la nationalité française, les français pensent que je ne suis rien, Pasqua a dit que l’on est des minables, des gitans, que l’on n’a plus besoin de nous. La politique c’est de la merde, il ne faut plus en faire, à droite ou à gauche, c’est nul, je ne peux rien y faire, je n’ai que le droit de ne rien dire, c’est la vie.

- Alors quel est ton but dans la vie ?

- Trouver un job pas trop fatiguant, constituer une petite famille tranquille, construire du solide, avoir une super voiture à injection avec au moins seize soupapes, décapotable, la grande classe, et aussi voyager, vivre bien cool.

- Mais tu te rends pas compte, comment tu vas faire ? La société ne dispose plus de moyens pour générer suffisamment d’emplois, afin de t’assurer un avenir sûr et stable. Il va falloir t’organiser autrement si tu veux t’en sortir.

- C’est pour cela que la société est nulle. La France, pays de tous mes espoirs, en vérité, c’est moche ici ! Je survis, c’est pas ce qui m’avait été dit.

- Mais de quelle manière as-tu envie de vivre ? Faire des rêves et réfléchir à notre devenir, c’est donné à tout le monde, c’est gratuit et non imposable. Attention, je ne veux pas dire par là que tous les rêves sont admissibles et qu’ils doivent se concrétiser. Il faut, bien sûr, une cohérence entre le rêve, la pensée et ce qu’il est légitime de réaliser pour l’équilibre du monde.

- Ah ! Ah ! tu rêves encore, toi, redescends sur terre, regarde la gueule de ma cité, et tous les fantômes dans les transports. Je pourrais être heureux si j’avais du fric, alors là OK, j’en ai une foule de rêves. Mais, c’est pas la peine que je me fasse du mal. Je ne cherche pas de travail, je sais qu’il n’y en a pas, et surtout pas pour moi. Franchement votre progrès, ça m’fait golri.

- L’époque nous entraîne dans une accélération toujours croissante du progrès. Alors je dois perpétuellement me remettre en question. Ce journal notamment se veut un instrument, ouvert à tous ceux qui décident de se prendre en charge. C’est l’interaction d’une multitude d’individus qui au travers d’un échange d’informations, recherchent, se forment et produisent dans le cadre d’un projet commun. C’est enrichissant d’apprendre sans cesse.


- Qu’attends-tu de la vie ?

- Ne pas passer mon temps à courir derrière.


- Arrête ! tu parles trop. De toute façon je n’aime pas l’école ni même le travail. C’est pas pour moi ces trucs-là.

- Mais c’est important, il s’agit de nos vies. Toi, tu préfères attendre, attendre et te morfondre dans ce constat. C’est la galère pour moi aussi, mais qu’est-ce que tu crois ? Tu réagis comme si tu avais vécu des siècles, réveille-toi. J’espère que tu ne veux pas d’enfants, que tu n’as pas l’intention d’en mettre un autre dans cette galère.

Des choses terribles se passent dans le monde et qui plus est, nous sommes « bien informés ». À 20 heures, chacun prend sa dose de sang et de douleur, s’attriste et puis essaie d’oublier en espérant que jamais cela pourra lui arriver.

L’homme est celui qui se donne un devenir avec les autres et il y a du travail dans cette branche.

Voici la réponse : - Toi, tu réagis comme une philanthrope, moi, je suis réaliste.

- Réaliste de quoi, d’une vision commune, du bourrage de crâne national, par la télévision et les journaux, par les moyens des « grands malins » ?

- Eh oui ! il faut se débrouiller pour vivre. Tu dis que le journal à 20 heures est grave. Alors tu comprends comme moi qu’un jour ou l’autre, on va devoir se fritter, car c’est ainsi que le monde tourne. C’est finalement une vérité. J’ai plus à gagner en jouant le « petit malin ».

- Tu es horrible, je pense que l’histoire est une leçon qui doit nous amener à réfléchir et surtout à réagir.

Le monde ne fonctionne pas sous forme de cycles, bien que la terre soit ronde, les saisons passent et reviennent, les enfants naissent, grandissent, vivent puis meurent et tant de choses vont ainsi. Franchement, l’histoire ne se reproduit pas. La case départ n’est pas la case retour. C’est pas le Monopoly. Abandonnons toutes ces absurdités qui nous plongent dans l’étouffement. Avec nos différences, dépassons les critères installés dans nos têtes, tels l’identité, la culture, l’âge, le passé. Imaginons notre lendemain.