Productions
     ACCUEIL LES PERIPHERIQUES VOUS PARLENT RECHERCHER
         
Numéro 1
Editorial
La difficulté d’être jeune
Par Les Périphériques vous parlent | Paru le février 1994
Imprimer

On nous dit que l’époque est difficile, comme si nous ne le savions pas ! Nous les pays riches, nous les occidentaux aurions vécu les « trente dernières glorieuses années de croissance » à un niveau de vie que le monde nous enviait, en somme au-dessus de nos moyens. Maintenant, il faut payer.

Mais qui va payer ? Comme toujours, sans trop le dire, on pense surtout aux jeunes, « les jeunes à tout asservis », au meilleur quand les temps sont bons, au pire quand ils sont mauvais. Nous sommes entrés, de plain-pied, dans le pire : « quand les parents boivent, les enfants trinquent ». Donc, à notre génération, d’être sacrifiée ! Voilà la logique que l’on nous propose. Nous refusons cette logique.

Au cours des cinquante dernières années, nos aînés, enfin quelques-uns précisent les historiens, ont dû et ils ont su affronter des situations bien plus dangereuses, entre autres, l’occupation avec la Résistance, puis la guerre de libération d’Algérie, ou dans une moindre mesure Mai 68. Certes, la situation aujourd’hui est toute autre, ces époques étaient fort différentes et les dangers, les risques pris alors, sans doute bien plus grands. De plus, l’ennemi à affronter était alors tout à fait repérable. Ce que nous voulons retenir, en l’occurrence, c’est qu’il y a eu des gens pour résister, s’opposer, lutter, se dresser contre la résignation, l’abandon, le scepticisme.

Notre ennemi, aujourd’hui, n’est ni l’occupant, ni même les forces réactionnaires organisées, ni quoi que ce soit de bien repérable. Nos ennemis sont bien plus sournois, ils se cachent derrière ces nébuleuses que sont :

l’impuissance d’une génération à pouvoir sortir d’une crise qui progressivement détruit la cohésion sociale des pays riches ou pauvres.
l’indifférence pour l’avenir et le repliement sur soi, contre les autres, ce que l’on pourrait appeler « la politique des petits malins », chacun essayant de tirer son épingle du jeu.
le maintien d’un terrible statu quo qui détruit toute une génération : une jeunesse obligée de vivre dans un présent sans avenir.
Voilà bien les ennemis. Plus clairement encore, tous ceux qui laissent aller, parce qu’ils y trouvent encore un peu leur intérêt, et tout ceux qui suivent ou laissent faire.

N’acceptons pas cette fatalité : un monde demain gouverné par la loi de la jungle, monde où les mafias d’État et les mafias privées, où les intégrismes autoritaires nous pousseront à rejoindre des bandes de tueurs religieux ou patriotes qui se combattront dans une guerre civile sans issue. Nous ne voulons pas alimenter un Liban ou une Bosnie de plus. Nous refusons cet avenir.

Nous ne voulons pas plus d’une société et d’un monde à deux vitesses qui ne ferait que multiplier les conflits : privilèges contre privilèges, caste contre caste, groupe de pression contre groupe de pression, misère contre misère. Pas question de se résigner au pire pour garder ce monde en l’état.

Surtout que l’on ne nous dise pas d’attendre des temps meilleurs. Les temps meilleurs ne tombent pas du ciel. Ils ne sont jamais le fruit de l’attente. Les temps meilleurs, c’est à nous qu’il il revient de les concevoir, autrement il n’y aura pas de temps meilleurs. Le meilleur est, encore et toujours, de vivre pleinement sa jeunesse. Pas de la sacrifier sur les autels de l’austérité. Ne supportons pas de représenter la « génération victime », plutôt se battre pour être la génération « de toutes les différences solidaires » pour un même avenir.

Il n’y a rien de pire que la résignation, l’attente, la patience. C’est pourquoi, nous crions : « répondez à l’impatience de la jeunesse ». Notre position est nette : nous donner un présent qui ait un avenir.

C’est cela qu’il nous faut bien comprendre. Nietzsche nous avise : « Seul celui qui agit, comprend ». Une logique s’ensuit. Elle nous dit, et cela pourrait donner lieu à « un nœud » :

Attendre, c’est être acculé à l’inaction.
L’inaction nous condamne à ne rien comprendre, nous condamne au rabâchage, à la soumission, au désarroi, à l’impuissance.
Conclusion :

Apprenons à devenir des acteurs, auteurs de leurs actes dans un présent qui ait un avenir.
C’est un but de vie. Faisons en sorte qu’il soit celui de notre génération.

« Un éveil de notre génération » est aujourd’hui une exigence impérative. Personne ne nous sortira du marasme. Il nous faut en sortir par nous-mêmes. Notre force, si force il doit y avoir, c’est nous, nous les jeunes, tous ceux qui veulent le devenir, quel que soit leur âge, car, affirmons-le : n’est pas jeune qui veut, « il faut s’y appliquer ». C’est là un des objectifs de ce journal.