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Numéro 12
Overflow : une nouvelle réforme de l’audio-visuel
Par Jil VALHODIIA |

De nombreuses danses issues d’underclass" de l’histoire n’ont eu tout d’abord droit qu’au mépris, de la part de ceux qui n’y voyaient que bafouillage et obscénité. Ayant voulu leur donner un "sens unique", ils n’ont pu saisir qu’elles participaient d’une volonté de relier autrement gestuel, vision et audition et donc de réformer tout ce qui touchait à "l’audio-visuel". Faisant du corps, une maison et non une prison de sensibilités, ces danseurs pratiquaient Overflow [1].

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EXTRAIT

(...)
HISTOIRE DE SENS EN ACTION

Ajoutons tout de même que la Martinique et la Caraïbe ne sont pas les seules régions où des esclaves se soient montrés si inspirés et si à même de sortir de leurs schémas de pensée habituels pour véritablement créer une nouvelle danse. Si l’on descend vers l’Afrique du Sud, on y retrouve pendant la colonisation des Anglais et des Boers et pendant l’apartheid, une pratique chorégraphique d’une rare intensité : la danse gumboots, pratiquée d’abord par des mineurs noirs. (Bottes en caoutchouc, migrants et Fred Astaire : danse ouvrière et style musical en Afrique du Sud / Carol Muller dans la Revue d’Anthropologie d’Autrepart). Elle a plusieurs origines : "la tradition bhaca, le spectacle des ménestrels, les danses populaires de société comme celles qui accompagnaient les concerts de jazz des années trente et quarante, le jitterbug par exemple ; et, évidemment les claquettes popularisées par les films de Fred Astaire et Gene Kelly." Pour les choregraphies, on y retrouve "l’ordre strict de la marche militaire et la discipline exigée par le travail souterrain dans les mines. On attend des danseurs qu’ils répondent rapidement, sans hésitation sans considération de ce que le leader ordonne. La précision du mouvement - commencer et finir sur le même rythme - est cruciale pour réaliser une exécution puissante." Cette danse, et c’est là une originalité qui sûrement fera date, est véritablement à cheval entre les espaces ruraux et urbains à l’intérieur desquels les travailleurs migrants du Natal KwaZulu méridional ont circulé lors des cent dernières années. Elle n’est, à l’exemple de la Martinique, ni africaine ni occidentale, ni chrétienne ni ancestrale, ni traditionnelle, ni moderne. Tout comme ses praticiens, qui ne sont ni pleinement citadins ni pleinement ruraux, la danse gumboot provient de la société sud-africaine dans son entier. On y retrouve tout ce qui pourrait constituer des séances d’overflow : "L’interaction ordre-réponse entre le leader de la danse et le reste de l’équipe ; l’importance du soutien de l’auditoire/communauté dans le cadre de l’exécution ; l’élément comique dans le spectacle (...) et la façon dont la danse s’insère et se constitue dans la vie et l’expérience de tous les jours." (...)

[1Overflow est le nom donné par Génération Chaos à un dispositif qui met en scène une interaction danse/musique, ouvert au public.