EXTRAIT
(...)
Tout un chacun a un rapport à l’espace, au temps et au mouvement. De notre présence, de notre durée comme de notre mobilité, nous tirons chaque fois une sensation d’existence dont la formulation fait la spécificité des valeurs et des repères d’une trajectoire propre à une époque, tant individuellement que collectivement.
Avant que le transport ne gagne en vitesse, que l’acheminement et l’échange des choses qui nous composent ne s’accélère, la présence de l’homme s’édifiait par rapport à l’étendue que son regard dominait et qu’il partageait ou se disputait avec autrui. L’espace, le territoire, et la communauté se distribuant en son sein garantissaient l’essence de ce lien commun, constitutif d’une société organisée autour du pouvoir politique (que celui-ci fut monarchique, totalitaire ou démocratique). Le renouvellement de la société se faisait par l’assaut de communautés soit extérieures ou soit opprimées et scellées dans la résistance ou la révolution.
Puis, modernité aidant, la vitesse de locomotion diminuant le temps des distances, celles-ci ne suffirent plus à la domination du regard. Les limites du territoire étaient franchies et le pouvoir politique se devait d’en atteindre d’autres pour garantir son assise sur la communauté. Ainsi se développèrent les guerres de plus en plus technologiques pour la conquête territoriale du monde. Mais à mesure que l’hégémonie politique (quel que soit le bord) ne cessait d’étendre ses frontières, l’empreinte du temps définissait de plus en plus la réalité des choses et des valeurs échangées. De sacrées ou d’usage, celles-ci devinrent de plus en plus périssables, le renouvellement de la société passant de plus en plus par le renouvellement des biens.
(...)