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Numéro 15
La vierge, la volupté et le tueur
Par Federica BERTELLI, Fernando VALLEJO |

Fernando Vallejo, l’auteur du livre La vierge des tueurs [1], dont Barbet Schroeder a tiré un film, met en scène la Colombie actuelle, sa violence et son anomie. "Tuer ou être tué" est la seule devise qui ait encore un sens dans un monde régi par la loi de la jungle. A l’occasion de la sortie en France du film, nous avons rencontré Fernando Vallejo qui nous parle ici de la vie, de la mort, de la jouissance, de la violence, du non-sens, de la situation en Colombie, des mauvaises raisons de continuer à vivre et des bonnes raisons de ne croire en rien.

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EXTRAIT

(...) Yovan Gilles : Dans votre livre, il y a une référence très forte à la pédérastie telle que la dépeint la philia grecque pour laquelle l’amour métaphysique comprend l’amour physique. Fernando, personnage fictif ou réel peu importe, a une dimension d’éveilleur. Une véritable philia unit ce jeune garçon et cet homme mûr. L’aventure, l’égarement qu’ils vivent ensemble, obéit à une sorte de loi de la dépense improductive qui est celle de l’érotisme. Ils vivent dans le don sans autre finalité que celle de vivre intensément chaque instant dérobé à la mort qui rôde. A votre avis, comment cette question de la pédérastie est-elle perçue en Colombie et ailleurs ? On oublie trop souvent que la pédérastie a eu une importance cruciale en Europe, ne serait-ce que chez les celtes et, plus tard, les barbares. Elle n’excluait pas l’hétérosexualité ou l’érotisme avec les femmes, mais avait un rôle de ciment social.

Fernando Vallejo [2] : Si vous considérez l’amitié entre Socrate et Alcibiade, par exemple, c’est très clair. L’Europe a eu toujours besoin de victimes. L’Europe, ce continent hypocrite. Au Moyen Age, à la Renaissance, on brûlait les sorcières et les hérétiques, au 20ème siècle on tuait les Juifs, à présent les nouvelles victimes sont ce qu’on appelle les pédérastes. Ils ont trouvé une excuse pour cette nouvelle persécution. Dans le cas très exceptionnel qui s’est passé en Belgique, on a tué des enfants. C’est tout autre chose de tuer un enfant que de faire l’amour avec les enfants. Le sexe avec les enfants est une chose absolument innocente. Il faut éduquer les enfants à faire l’amour avec n’importe qui parce que ça n’a aucune importance. Ce qu’on appelle l’homophobie, ce sont tout simplement des gens qui ne sont pas capables de sortir du placard d’où parlent les gays. Il y a des hypocrites qui ne réussiront jamais dans leur vie à accepter le fait qu’ils sont homosexuels, qu’ils aiment coucher avec un homme, un enfant, un garçon et voilà pourquoi il y a une telle haine pour une chose tellement innocente. Dans le cas du film de Barbet, nous avons rencontré partout des gens qui détestent absolument le film ou mon livre, cela d’une façon irrationnelle, comme s’il était une insulte et une agression à leur personne, une gifle au visage. Pourquoi ? Parce qu’on y insulte Dieu qui n’a aucune importance pour personne aujourd’hui. C’est un vieux mensonge. C’est une expression vide, absolument, de dire : croyez-vous en Dieu ? C’est une chose tellement veille, ancienne, vide. Quiconque pense ne se pose pas cette question, elle n’a aucune importance dans la société des hommes. Nous continuons à dire ce nom, cette vieille explication idiote, inutile qui n’explique rien parce qu’on peut tout expliquer par Dieu, mais on ne peut pas le comprendre. C’est donc un détour inutile, idiot. En tout cas, il est possible que nous voyons dans quelques années l’effondrement du christianisme, de l’islamisme, du judaïsme comme nous venons de voir l’effondrement du communisme. En tout cas, le plan créateur de Dieu s’est révélé un échec aussi grand que le plan quinquennal du parti communiste. (...)

[1Roman édité par Belfond disponible aux éditions Livre de Poche.

[2Scénariste et écrivain colombien