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Numéro 15
Pacifique, un océan de révoltes
Par Christopher YGGDRE, Jacky BRYANT |

Toute colonisation ne peut perdurer que par un déni de la culture de l’autre. Ce déni, Jacky Briant en raconte les circonstances historiques et analyse le lien politique qui unit les polynésiens à la France. La non-reconnaissance d’une spécificité polynésienne dans le rapport à la nature, aux savoirs et aux modes de production et de vie traditionnels, si elle a pour conséquence de déposséder les polynésiens d’eux-mêmes, est aussi en train de menacer à terme l’écosystème des îles du pacifique, pour les besoins d’une exploitation commerciale à l’usage des touristes nantis.

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EXTRAIT

(...)
Les périphériques vous parlent : Le lagon est en fin de compte votre bien commun, mais celui-ci est spolié par des multinationales dédiées au tourisme qui en font un bien économique privé. Pouvez-vous nous parler de ce complexe touristique de masse qui a créé une plage artificielle à Bora Bora en extrayant le sable du lagon ?

Jacky Briant [1] : En effet, le Club Méditerranée a été le premier à le faire. Celui-ci a pris au lagon des quantités énormes de sable. Pour vous donner une idée, ces quantités correspondent à dix fois le stade du Parc des Princes sur une épaisseur d’un mètre, uniquement pour créer des plages artificielles. Si, à cet endroit de l’île, il n’y avait pas de plage, c’est qu’il y a des raisons, notamment liées aux courants marins qui ne permettent pas la stabilité du sable. Aujourd’hui le Club Méditerranée, l’Hôtel Bora Bora, le Mona Beach, et actuellement le Sheraton qui se construit, pompent régulièrement du sable dans le lagon avec l’accord du gouvernement territorial et de la Commune pour créer ces plages uniquement pour satisfaire une riche clientèle de passage. Ces endroits qui ne sont pas vendables "touristiquement" pour l’occidental à moins d’y faire des plages artificielles sont, pour nous, riches d’autres ressources, d’autres connaissances, d’autres pratiques culturelles qui vont complètement disparaître. C’est une démarche qui n’est pas fondée sur une gestion partagée des ressources mais uniquement sur des principes de rentabilité. Maintenant vous trouvez dans le lagon des verrues, des secteurs qui ont été massacrés pour alimenter en sable des zones à l’origine non sablonneuses. Pour contrer cette offensive sur le lagon, nous avons intenté des procès au Tribunal Administratif, nous avons fait signer des pétitions, à Moorea4 des embarcations ont fait barrage à un chantier, le projet y a capoté. Actuellement, nous préparons des actions pour attirer l’attention sur les dégradations conséquentes à ces chantiers. Mais il faut savoir qu’à Bora Bora l’activité est contrôlée à 90% par l’industrie touristique. Les gens vivent donc un conflit permanent entre des préoccupations à long terme qui concernent la préservation de leur milieu de vie et des préoccupations à court terme qui concernent leur emploi, leur survie.
(...)

[1Instituteur, a fondé en Polynésie française sur l’île de Bora Bora le parti écologiste polynésien Heiura - Les Verts