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Numéro 17
L’eau, guerre et paix
Par Cristina BERTELLI |

Au printemps 2003, plusieurs forums traitant des problématiques liées à la carence en eau potable dans le monde ont eu lieu à Florence, à New York, à São Paulo. Ils font écho au grand forum des gouvernements à Kyoto. L’accès à l’eau potable pour ceux qui n’en disposent pas, le prix de cet accès pour ceux qui en disposent, les énormes enjeux économiques qui en découlent : voilà tracés les principaux axes à partir desquels ces forums doivent bâtir des solutions concrètes.

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Extrait

(...) LES RAISONS ET LA GENEALOGIE D’UN MOUVEMENT PLANETAIRE

Comment évaluer à sa juste valeur un problème majeur et planétaire comme celui de la difficulté d’accès à l’eau potable pour des pans entiers de population ? Dans 30 ans, la moitié des réserves en eau auront disparu et déjà actuellement, on estime à 7 000 000, dont 2 000 000 d’enfants, le nombre de personnes qui meurent chaque année à cause du manque d’eau potable. Comment notre imaginaire peut-il intégrer ces données quand pour nous, européens, l’eau semble couler, intarissable, à la source des robinets dorés des Jacuzzi ? Et puis, l’eau n’est-elle pas tout bonnement un bien commun de l’humanité ?

Comment pouvons-nous la considérer autrement, sachant qu’elle compose 95 % de notre organisme et qu’elle est donc indispensable à notre survie ? Et pourtant… En 1999, Riccardo Petrella1 a rédigé, en collaboration avec plusieurs intellectuels internationaux, le Manifeste Mondial de l’Eau, afin de sensibiliser et de mobiliser des forces internationales autour de ce problème majeur qui touche l’ensemble des habitants de la terre. Des jeux et des enjeux politiques et économiques colossaux témoignent entre autres de la spécificité de cette question. Je reporterai ces quelques lignes du Manifeste Mondial de l’Eau qui nous révèle l’ampleur du problème : "Les grands bouleversements des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles ont eu lieu principalement autour des systèmes de propriété, partage et utilisation de la terre. Les révolutions du XIXe et du XXe siècle l’ont été autour de la propriété, l’appropriation, le partage et l’utilisation des ressources énergétiques (le charbon, le pétrole, l’électricité). Les uns et les autres ont donné naissance à (ou ont renforcé) des systèmes de régulation des sociétés humaines cristallisées essentiellement autour de l’émergence de nouvelles classes sociales et d’États-nations. Aujourd’hui la cristallisation des systèmes de régularisation s’effectue de plus en plus à l’échelle non-nationale : au niveau d’organisations multilatérales mondiales désétatisées (telles que le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC) voire privées (telles que l’International Télécommunication Union, les différentes organisations responsables des normes et standards ou, plus rarement, au niveau d’organisations étatiques supranationales (telle que l’Union Européenne). (…) Aujourd’hui, ces nouveaux acteurs se battent - ou coopèrent - surtout autour de la gouvernance (et sa maîtrise) de l’accès aux ressources de base qui conditionnent non seulement la vie individuelle, mais aussi l’existence collective des diverses communautés humaines, à l’échelle régionale, nationale, mondiale. Ces ressources de base sont, à l’heure actuelle, l’argent, l’information, l’eau. Les "Seigneurs de la Terre" ne sont plus les grands patrons d’industrie tels que le furent les Rockefeller, les Ford, les Thyssen, les Solvay ou les "rois" du pétrole et des chemins de fer. Les "Seigneurs de la Terre" sont, d’une part, les Bill Gates, les Bertelsmann, les Ted Turner, les Murdoch, Intel et, d’autre part, les sociétés financières telles que Morgan, Goldman Sachs, City Corp/Travellers, Fidelity et autres fonds d’investissement ou sociétés d’assurance. Si les tendances en matière d’eau se poursuivent au cours des 20-30 prochaines années, les "Seigneurs de la Terre" risquent de devenir les "Seigneurs de l’Eau", au premier chef desquels les candidats les plus probables et crédibles s’appellent Suez/Lyonnaise des Eaux, Vivendi/Compagnie Générale des Eaux, Saur-Bouygues, Nestlé, Bechtel, Unites Utilities, Danone… "
(...)