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Numéro 17
La maison qui réveille le regard
Par Marc’O |

Dans les environs de Bologne et de ses collines, deux architectes : Franca Cattani et Daniel Guillaumin ont conçu une éco-demeure intégrant à la fois fonctionnalités, espace de vie et expérimentations bio-architecturales. Dans ce texte, Marc’O, sur un mode poétique et philosophique, nous fait part de ses sentiments et de son plaisir dans cette maison qui l’a accueillie quelques jours.

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Extrait

(...) ET SOUDAIN LE REGARD ETEINT S’ECLAIRE !

Dès le début de mon séjour, la remarque de Cyrulnik m’a posé question : si mon savoir n’est constitué que de ce que je sais percevoir, comment alors changer mon mode de perception ? Peu à peu, j’ai pris conscience que "la réalité architecturale" conçue par Franca Cattani et Daniel Guillaumin modifiait insensiblement mon regard sur les choses, m’engageant de la sorte à voir et penser autrement. Ce sont mes allées et venues dans le site à l’intérieur comme dehors qui m’ont suggéré ce que je dis présentement.

Assis ici ou là, dans la cuisine ou quelque part dans la serre, ou encore à l’extérieur, près du plan d’eau, ou de l’autre côté de la maison où se couche le soleil, je ne cesse à travers ce que je perçois d’interroger mon regard. Les yeux écarquillés, je m’étonne. Pourquoi m’attacher à ceci plutôt qu’à cela ? Une réponse se présente aussitôt, incontestable mais tellement embarrassante : parce que c’est ceci que j’ai pris l’habitude de regarder et pas cela, cela qui me demande d’évidence un effort pour exister à mes propres yeux.

Mais comment pourrait-il en être autrement en ces temps de globalisation de la pensée unique ? La recherche du sens n’est plus qu’une vaine sommation lancée à la cantonade scolaire tandis que le regard désabusé se "rive" sur les signes despotiques que sont les marques, les signatures et tous les autres indices d’audience qui aliénent la vie pour assurer le profit marchand. Le regard piégé s’éclaire seulement le temps d’une émission ou d’une publicité et disparaît en même temps qu’on éteint sa télé. Le regard éteint ne se rallumera que sur ce qui lui fait écran. Dans ces conditions comment sortir d’une vision des choses convenue et "jouée d’avance" ? Comment échapper à une perception flemmarde qui pousse à regarder que ce que l’on connaît déjà depuis belle lurette ?

Cette demande durant mon séjour dans ce lieu de vie n’a cessé de réveiller mon regard. Je me souviens, qu’assis, dans la serre sur un canapé face à la vitre qui la sépare de la cuisine, j’observais le reflet d’un cerisier situé en haut de la colline. Il m’apparaissait tout petit sur la vitre, au point de ressembler à un bonsaï trônant au milieu de la cuisine. C’est cette observation qui m’a fait penser au Japon auquel j’ai associé l’idée de beauté, ce qui m’amena à Mishima et son livre Le Pavillon d’Or que je me proposais de relire dès mon retour à Paris. (...)