Extrait

(...) 2001 Odyssée de l’espace, le récit imagé et délirant de l’Américain Kubrick, sorti plus de trente ans plus tôt, ne savait trop bien le dire. A la différence d’Ulysse que le voyage homérique initie aux signes de son destin, l’équipage moderne de Kubrick jaillit de l’espace en embarquant la fusée du temps dont la vitesse folle et inhumaine se révèle par la voie (et voix) sans retour d’une machine, devenue incontrôlable et détournant l’homme du sens de son événement, l’abandonnant à une odyssée sidérale. Construit de machinations mystiques et de connexions cybernétiques incontrôlables, la voix (et voie) de l’événement sidérant du 11 septembre plonge honnêtement l’homme dans les tréfonds du sens de notre modernité, là où la réflexion (comme quand on sort du film de Kubrick) n’a plus de véritables appuis (même si elle s’accroche aussitôt à quelque chose de supposable, de supportable) et où elle est abandonnée à la seule sensation d’un corps neuronal abyssal, déphasé, ne comprenant pas encore ce qui à nouveau la porte, mais flottant tout de même et ainsi rendue peu à peu sensible au mouvement qui la happe. Et en de tels moments, mieux vaut fermer calmement les yeux et sentir le jeu des flux de dérive qu’écarquiller les paupières pour chercher la rive. (...)