Les périphériques vous parlent
Dossier de Presse

Article paru dans Sport & Plein Air de février/mars 1998 :

reportage
LE DÉBORDEMENT

La question des activités nouvelles et de leur mise en évidence est au centre des débats de société et de la problématique emploi-jeunes. À l'occasion des rencontres locales de la jeunesse à Paris, un séminaire “sport musique overflow” est né.

L

e principe d'overflow est expérimenté depuis plusieurs années, par le journal Les périphériques vous parlent et le groupe Génération Chaos, au plan scénique. Cet anglicisme signifie débordement. C'est le message qui s'inscrit sur l'écran de votre ordinateur quand ses capacités ne lui permettent plus de travailler. Replacé dans le cadre de l'activité humaine, il s'agit de se placer dans les conditions physiques et mentales de débordement, afin d'appréhender notre activité sous un angle nouveau. L'expérience semble difficile à raconter.

Kathrin RuchayAnne Calvel
La performance se mesure à la capacité de chacun à jouer avec les autres

« Je ne peux rien te dire, c'est inracontable » voici en quelques mots l'essentiel de ce qui m'a été relaté. Quoi de plus pour aiguiser ma curiosité et investiguer auprès des acteurs de ce week-end des 6 et 7 février dernier qui se sont retrouvés à Chatenay Malabry.

David, l'un des organisateurs, ne souhaite pas en dire davantage pour l'instant. Ce ne sera pas le cas d'Yves, éternel bavard et plus loquace que jamais. « Nous avons rencontré en novembre 1996 un groupe de jeunes “Philosophes debout” qui s'investissent pour bousculer les consciences au travers, entre autres, le rapport entre art et politique. »

De cette rencontre, le « collectif jeune » du comité de Paris inventera une grande première dans la fédération. Il s'agit du séminaire d'Overflow. Mais permettez-nous de revenir dans le temps.

LE SAVOIR-ÊTRE AVANT TOUT

Sébastien, Yovan, Jérémie et d'autres sont depuis plusieurs années les acteurs d'une association de philosophes. Ils interviennent dans la rue ou les lieux de vie. Ils se nomment Génération Chaos et posent des questions acides voire virulentes sur le devenir de notre société. Vous me direz qu'ils ne sont sûrement pas les seuls. Cependant, ils ne s'arrêtent pas aux discours ou aux grandes théories, ils sont sur le terrain de l'expérimentation et de la pratique par la musique, la danse et le théâtre. Comme le souligne Yovan « on pose le problème du savoir être et non du savoir faire. »

Génération Chaos est la structure artistique, Les périphériques vous parlent est leur journal, vecteur de communication. Ils cherchent et développent un laboratoire d'expérimentation sur les manières de se produire, de travailler, « c'est l'étude des processus de créativité » qui passionne Sébastien. Ce dernier se définit même comme un « guerrier ». Sa lutte et celle de ses collègues s'articule autour de « la recherche d'un autre devenir qui échapperait à la domination à outrance de l'économisme mondial. »

REMETTRE EN QUESTION LES PRATIQUES

L'écoute et le regard

Dans une société lucrative, sans but, il apparaît évident que nos chemins se croiseraient un jour. Nos deux organisations ont la volonté de remettre en question les pratiques. Une remise en question qui intéresse cette association de jeunes philosophes. D'autant plus, précise Sébastien « qu'il y a de la philosophie dans le sport... » Yovan, quant à lui, souligne « il y a du sport, ou tout au moins une approche corporelle, dans le théâtre. » Tous deux sont séduits par notre fédération, par notre conception du sport et de l'approche que nous en avons.

Un séminaire n'est pas un stage. Il n'apportera de recettes qu'à ceux qui veulent bien les inventer. Overflow ne se décline pas dans un programme clef en main. Les acteurs ont pris des risques. Ils ont osé, ils ont réfléchi. Ils ont produit sans filet mais avec un dispositif qui met au centre et en scène, à tout moment, les êtres humains. Ils étaient une quarantaine venue des quatre coins de l'hexagone.

Comme le précise Caroline, animatrice d'une association de quartier parisienne « les théoriciens, les scientifiques sont trop loin de nous et là on expérimente nous-mêmes, vraiment. » Mais concrètement, qu'ont-ils réalisé ?

Yovan Gilles
De l'art en sport

Tous ont évoqué le sync, abréviation de synchronie, qui donne consistance à ce qui tient lieu de création collective. C'est un outil se référant au mouvement. « Le sport n'est autre qu'une chorégraphie spontanée. » David se lance et poursuit « prendre des risques, c'est se mettre en scène. C'est avoir une piste de départ et l'exploiter jusqu'au bout, ainsi nous pénétrons un nouveau domaine d'expérimentation. »

Par exemple. « Marchez tous ensemble dans une pièce. Faites attention à ce que font vos partenaires ». Très rapidement, on observe de l'extraordinaire. D'une banale marche se construit une danse, voire une chorégraphie du mouvement, et cela sans aucune programmation. Ajoutez une pointe musicale et un ballon et vous obtenez de l'art sportif. Tous ensemble, tous acteurs, tous compétents, tous pénètrent l'expérimentation sans contrainte en osant, sans avoir peur du ridicule. Un protocole est tout de même défini au départ, par exemple, on tapera dans ses mains à chaque fois que le ballon touchera le sol.

« On peut parler d'improvisation entre guillemets, mais comme dans la vie quotidienne, tout est orchestré. On bouge en fonction des autres » explique Sonja qui parle de « chaos déterministe ». « Plus on joue avec les autres, plus on se rapproche de sa spécificité » poursuit Yovan. « Être soi-même n'est que le crédit que je porte à ceux avec lesquels j'agis. La performance se mesure à la capacité de chacun de jouer avec les autres dans une situation d'instabilité où l'écoute devient cruciale. »

Cette démarche est populaire puisque les procédures sont simples. La complexité vient ensuite, mais partant du vécu accessible au plus grand nombre.

Nos apprentis savants découvrent les hommes, citoyens du monde avec leur culture, leur être, leur savoir, leur écoute et leur spontanéité. Les différentes saynètes sont l'illustration de la théâtralité. Il ne s'agit pas de mettre en scène et d'appliquer, de se faire diriger. Non, il appartient aux acteurs d'innover, d'évaluer et de produire eux-mêmes le débordement ou tout au moins le changement en « prenant acte ». L'écoute et le regard deviennent dans ce cas primordial. « Les gens se sont exprimés, dans l'action avec liberté, ce phénomène engendre une prise de conscience. »

LES JEUNES DOIVENT OSER

Il aura fallu pas moins de sept rencontres pour élaborer ce week-end qui, vous l'avez compris, n'est pas une finalité en soi. « Ma vision du temps est différente, la décomposition du mouvement du geste ou son accélération me permet d'agir et de réfléchir autrement » conclut l'éducatrice parisienne. Cette nouvelle perception conduit forcément à regarder autrement le sport et les gens qui le pratiquent. Yves, quant à lui n'en revient pas, « il est indispensable de rénover et de modifier les contenus dans un co-développement, dans un rapport gagnant/gagnant. »

Les responsables de Génération Chaos sont l'une des expressions de la résistance. Peut-être sont-ils « révolutionnaires » ? Même si fondamentalement, ils n'inventent rien de bien extraordinaire si ce n'est une volonté farouche de faire bouger les gens et les structures rigides et bien pensantes de notre planète. Les dispositifs et les procédures vont tous sauter les uns après les autres.

Cela a-t-il servi à quelque chose ? Oui pour la grande majorité « faut pas se la raconter, stop aux vieilles recettes, place à la création et à l'innovation » vous avez reconnu Yves je suppose. « Les jeunes n'ont plus le choix. ni d'alternative, ils doivent oser. » Ce sera le mot provisoire de fin, car rien n'est figé, tout bouge et bien plus rapidement que nous le pensons.

Michel Fuchs


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Les périphériques vous parlent, dernière mise à jour le 23 mars 03 par TMTM

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